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Le cimetière de l'Asile impérial

Bien que les femmes admises à l'asile du Vésinet dès son inauguration en 1859 soient a priori des convalescentes dont la vie n'est pas en danger, le risque de mortalité existe. L'examen des registres permet de dénombrer, entre 1859 et 1952, quelque 2 271 décès. [1] Or, le cimetière le plus proche, celui de Croissy, est à plus de 1500 mètres, ce qui occasionnerait des obsèques coûteuses. On décide donc d'édifier un cimetière sur place, dans le coin nord-ouest du vaste parc de plus de trente hectares, dans la profondeur d'un petit bois, éloigné de la vue, à l'écart de la promenade des convalescentes. Ainsi, dans l'ouvrage du Marquis de La Vallette consacré aux Établissements généraux de Bienfaisance placés sous le patronnage de l'Impératrice, paru en 1866, l'Asile Impérial du Vésinet comporte « un cimetière clos de murs, avec une chapelle et un dépôt des morts à l'entrée, qui a dû être créé en raison de l'éloignement de celui de la commune de Croissy, dont dépend l'Asile ». [2] Il relève entièrement de l'asile et il est destiné aux pensionnaires, femmes et enfants, ainsi qu'au personnel de service qui bien souvent passera une grande partie de sa vie à l'asile. [3]
Le service des inhumations est confié au service de la salubrité. Le cimetière est clos de murs et s'ouvre par un porche avec un fronton triangulaire, rappelant celui de la chapelle, reliant deux petits bâtiments éclairés de fenêtres hautes. Le premier est une morgue (lieu de conservation des corps durant le temps nécessaire pour que les familles ou l'entreprise de pompes funèbres viennent les retirer) pouvant faire office de chapelle ardente (chapelle mortuaire, lieu temporaire spécialement aménagé pour accueillir le corps d'un défunt, en attendant la cérémonie), le second est une salle de service dite de dissection. [4]

 

Cimetière de l'Asile - 1986

Porche d'entrée accosté à droite par la morgue, à gauche par la salle de dissection. (Cl. Inv. Vialles 86.78.538 X)

De forme carrée (1800 m²), le cimetière est desservi par deux allées qui se croisent à angle droit, déterminant quatre carrés de tombes. Une grande croix de ferronnerie, placée sur un socle à l'intersection des allées, marque le centre du cimetière qui prend ainsi la forme d'un jardin monastique.
Au fil du temps, le cimetière se peuplera de nombreuses tombes entourées de fines ferronneries. La plupart des pensionnaires décédées à l'Asile, mais aussi le personnel résidant sur place, y furent inhumés. Il y eut beaucoup de décès d'enfants venus avec leurs mères en suite de couches. Leurs petites tombes sont encore nombreuses.
On peut remarquer le monument érigé par souscription à la mémoire d'une ancienne cantinière, supposée cousine du roi de Suède car dite « née Bernadotte », et enterrée dans ce cimetière après son décès à l'asile en 1911. Ayant pris part aux campagnes de Crimée, d'Italie, du Mexique comme cantinière d'un régiment des Zouaves, elle avait reçu la médaille militaire à Solférino. C'est Mme Lebreton. [5]

Un des secteurs du cimetière en 1993 (cliché M. Antoine)

Une stèle fut posée à la mémoire des soldats morts pour la France au cours de la guerre de 1870-1871, décédés à l'Ambulance du Vésinet, occupée un temps par les Prussiens. On en dénombre 132 sur les registres de l'état-civil de Croissy. Une plaque avait été apposée dans le cimetière à leur mémoire. [6] En juillet 1976, les restes mortels de 18 militaires inconnus ont été recueillis sous le monument et transférés à l'ossuaire d'Epieds-en-Beauce (Loiret) par les soins du Ministère des Anciens Combattants.

Le cimetière délaissé (2005)

Un décor chaotique en quête d'avenir.

Pendant la guerre de 1914-1918, l'Asile National du Vésinet accueillit l'hôpital temporaire n°64 où furent soignés de nombreux blessés graves dont un certain nombre sont morts sur place. Quatre-vingt-quinze d'entre eux furent enterrés dans ce cimetière privé pour y demeurer durant près de soixante ans. Du 1er au 22 juillet 1976, 76 corps furent exhumés et transférés au cimetière militaire de Bagneux où ils reposent désormais. Quelques-uns restèrent dans les tombes familiales au Vésinet.

Dans l'un des carrés s'élève un socle de marbre gris sur lequel est gravée une inscription : « Cette statue a été érigée à ND. du Sacré-Cœur en reconnaissance de sa protection sur l'asile pendant le siège de Paris. 1870-1871 ». Le socle supportait une statue de la Vierge tenant l'Enfant-Jésus montrant son cœur et foulant aux pieds un serpent. Cette iconographie, relativement rare, fait allusion au culte du Sacré-Cœur qui s'est développe après la défaite de 1870 et dont la basilique de Montmartre, œuvre de l'architecte vésigondin Paul Abadie, est l'édifice le plus emblématique. La statue grandeur nature, en terre cuite peinte en blanc pour donner l'apparence du marbre ou de la pierre, a souffert de son séjour en plein air. Elle a été transportée dans l'un des halls d'accueil de l'hôpital où elle est protégée par une vitrine. Sur son socle, apparaît une inscription, « Raffl, Paris », et la date de 1874. [7] Même s'il n'y a plus d'enterrements, certaines tombes font toujours l'objet d'une concession, sont parfois fleuries et le cimetière reste un lieu de recueillement.

Le socle toujours en place dans le cimetière et la statue (signée Ignaz Raffl) désormais à l'abri dans une vitrine de l'hôpital.

Sur le socle, l'inscription: Cette statue a été érigée à ND du Sacré-Cœur en reconnaissance de sa protection sur l'asile pendant le siège de Paris. 1870-1871,

et une date : 15 août 1874 [clichés SHV, 2004]

Le projet de transformation d'une partie du l'ancien parc de l'Asile, dans un grand programme d'urbanisation et de requalification, lancé en 2005 et plusieurs fois reformulé pour parvenir au projet du Parc Princesse lancé en 2014, a mis en lumière l'état de ce cimetière privé en déshérence. [8]

Des annonces précipitées et des objectifs irréalistes ont été avancés. Au cours de la même période, quelques actes de vandalisme sont venus aggraver l'état de délabrement des monuments funéraires dont on ne sait plus vraiment ce qu'ils abritent. L'Etat, propriétaire du lieu, l'hôpital qui en a la gestion, la ville du Vésinet qui en aura peut-être la charge prochaine, devront s'en tenir aux dispositions du code général des collectivités territoriales (L.2223-6) qui fixent les procédures en la matière.
En attendant, ce carré où subsiste une cinquantaine de sépultures délabrées envahies d'herbes folles, se doit de demeurer un lieu de paix et de respect.

Le cimetière de l'Hôpital en 2011.

Les herbes folles qui l'envahissent entre deux défrichements devraient inciter au recueillement.

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    Notes et sources :

    [1] Béatrice Vivien, L'empereur et l'ouvrière - L'Asile Impérial du Vésinet, 2011.

    [2] Les Établissements généraux de Bienfaisance placés sous le patronnage de l'Impératrice - Marquis de La Vallette, Imprimerie impériale, Paris, 1866.

    [3] Parmi le personnel de l'asile, on compte de nombreux anciens fonctionnaires ou militaires affectés là autant pour y finir leurs jours que pour y travailler. J. Off. Rép.Fr. 1870 et suivants.

    [4] Un arrêté de février 1877, considérant la possibilité de mort apparente, prévoyait que les corps seraient transportés à la morgue et surveillés par deux femmes à tour de rôle, choisies parmi les filles de service. Elles seraient deux pour veiller la nuit et se relaieraient la journée, depuis le transport du corps, jusqu'à l'inhumation, en échange d'indemnités.

    [5] D'après les recherches de Jean-Claude Clément pour la SHV, le père de Léontine était Hubert Bernardot, gardien de batterie au fort de Mers-El-Kebir marié le 17 janvier 1843 à une cantinière du nom de Rosalie Jeanne Marie Perrault. L'acte de naissance de Rosalie, dressé à Saint-Malo en 1815 (le 24 juillet) porte le patronyme de Perot.

    [6] La plaque, vandalisée dans les années 2000, a été restaurée par l'Amicale des Anciens Combattants, Mutilés, Veuves et Orphelins de Guerre du Vésinet et apposée au mur de la Maison du combattant. Note de Georges Martin-St Léon, président de l'Amicale.

    [7] La statue serait due à Ignaz Raffl, sculpteur autrichien installé à Paris et mort à Menton (1895-1928). Béatrice Vivien, ibid.

    [8] Dans le cahier spécial de 12 pages inséré dans le n°49 de novembre 2016, consacré au projet de Parc Princesse, le cas du cimetière n'est pas évoqué.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2018- www.histoire-vesinet.org