Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, 2009-2018. Bernard Hippolyte Chameroy au Vésinet Au début du XIXe siècle Edme Augustin Chameroy, manufacturier et marchand d'instruments de musique à Paris contribue à l'invention de l'accordéon. Puis il se lançe dans la production de tuyaux bitumés et fait fortune en fournissant un des constituents essentiels du jeune réseau gazier français. Son fils, aussi prénommé Edme-Augustin, poursuit dans la même veine mais diversifie la production en innovant dans le domaine de la robinetterie, les instruments de pesée, les alliages métalliques. La tradition s'est perpétuée durant plusieurs générations, grâce à de nombreuses inventions. Né à Paris le 29 janvier 1838, du mariage de Edme Augustin Chameroy [† 1868] et Marguerite Françoise Désirée Goddier [1809-1891], il obtient un diplôme d'ingénieur civil en 1861. A cette date, il a déjà déposé plusieurs brevets et il se présente comme un jeune industriel entreprenant et inventif en ouvrant à La Villette un atelier de fabrication de persiennes en tôles. Pleine de promesses, cette activité disparait cependant bien vite. L'affaire est déclarée en faillite en mai 1861 et Hippolyte Chameroy part pour Turin, pour y représenter les intérêts de la Société Chameroy & Cie fondée et dirigée par son père. En Italie, il rencontre Augusta Ferdinanda Grosso et de leur mariage en 1862 nait, à Turin, leur premier fils Jacques François Ferdinand (1863-1958). La famille séjourne ensuite en Belgique, à Molenbeek-Saint-Jean, près de Bruxelles où nait un deuxième fils, Henri Désiré, le 25 juillet 1871 puis un troisième, Emile Ferdinand, en 1875. Domiciliée à Paris, rue Saint-Augustin, n°17, la famille d'Hippolyte Chameroy occupe aussi une villa à Maisons-sur-Seine (qui va devenir Maisons-Laffitte), au n°16 de la rue des Petits-Bois. C'est là que voit le jour Albert Joseph, le quatrième fils, le 7 avril 1878. Monsieur Chameroy fera ensuite, l'acquisition d'une maison au Vésinet, au 89, avenue Centrale [actuelle avenue Georges Clemenceau], peut-être grâce à la vente de plusieurs brevets qu'il réussit à cèder à un voisin :
Lorsque treize ans plus tard, Hippolyte Chameroy dépose une nouvelle demande de brevet (13 mars 1893), il est encore lié à la Société Chameroy, puisque la demande est domiciliée au siège de la Société, 196 rue d'Allemagne. Mais les extensions pour ce brevet (16 juin 1893), les brevets complémentaires pour l'étranger et tous les autres qui suivront seront domiciliés au Vésinet, et Bernard Hippolyte Chameroy se fera assister par un bureau d'ingénieurs-conseils en matière de propriété industrielle, la Société Assi & Genès à Paris, rue du Havre, n° 6. Ceci ressemble à une rupture. La première mention d'Hippolyte Chameroy au Vésinet figure dans l'édition de 1884 (la première) de l'Annuaire de la Société internationale des électriciens, créée en 1883 : Chameroy (Hippolyte), électricien, 89, avenue Centrale, au Vésinet (Seine-et-Oise) Mais les demandes de brevets dont il est l'auteur, ne concernent que rarement l'électricité, plutôt la mécanique. Dès 1889, Hippolyte Chameroy manifeste son intérêt pour l'automobile, en déposant plusieurs demande de brevets concernant ce domaine, même si rien n'indique qu'il en ait tiré parti.
A peine installé au Vésinet, il s'intéresse à la vie locale, la vie politique d'abord. En 1888, il est élu conseiller municipal (sur la liste républicaine-radicale) conduite par le maire sortant, Aimé Foucault. Quelques mois plus tôt, Jacques Chameroy, le fils aîné d'Hippolyte, a épousé Juliette Reine Foucault, première fille du Maire. Mais les élections sont gagnées par les "cléricaux" et Hippolyte devient un des principaux opposants au nouveau maire, Alphonse Ledru, qui incarne à ses yeux le parti " réactionnaire" . En 1887, Chameroy compte parmi les membres fondateurs de l'Espérance, la société de gymnastique et de tir. Il en devient le président en 1890. Il ne manque pas les occasions de montrer son adresse au tir dans les épreuves régionales. Il déposera d'ailleurs un brevet dans ce domaine (Système de cible à réflecteur mobile rendant lumineux les trous formés sur le carton par les balles, 1893). Il sait aussi faire preuve de générosité en offrant régulièrement des prix aux concours organisés par l'Espérance.
Henri Chameroy ne suivra pas les traces de son frère aîné, Jacques, sorti en juin 1885 de l'Ecole Centrale de Paris avec en poche un diplôme d'ingénieur des Arts & Manufactures. Henri à obtenu, à l'école communale du Vésinet son certificat d'études en 1886 il est employé d'assurances et s'installe à Chatou avec sa jeune femme. Ils divorceront en 1901.
Ce bandage élastique, antidérapant va faire l'objet de tous leurs efforts, de tous leurs espoirs durant plusieurs années. Confiant dans l'avenir de cette technologie, M. Chameroy dépose ses brevets dans les principaux pays d'Europe et jusqu'aux Etats Unis. Au fil des ans, il effectuera plusieurs modifications, ajoutant les segments métalliques protecteurs, plusieurs fois modifiés, puis abandonnant le bandage élastique plein au profit du bandage pneumatique.
Le Bandage Chameroy, version " plein" . Le caoutchouc étant placé sur la jante et percé de trous pour le passage des boulons (F), lesquels trous correspondent avec ceux percés sur la jante, l'on place un des morceaux de la tringle (B) sur le caoutchouc, on introduit les boulons sur lesquels on visse les écrous et quelques filets seulement, l'on enfile ensuite les segments entre les rebords de la tringle et le caoutchouc et l'on serre ensuite les écrous à fond. L'on continue la même opération jusqu'à ce que tous les segments soient placés ceci fait, l'on doit répartir également le jour entre chaque segment sur toute la roue, et l'on règle le tout à l'aide des écrous. Ces derniers dont l'une des faces est creusée en arrondi vient s'appliquer contre l'arrondi opposé de la jante, empêche complètement le dévissage. (Le Chauffeur, 25 Août 1900, n°88, 62e année.) Des " preuves décisives" sur le bandage à segments métalliques sont publiées dans La Locomotion automobile, 17 août 1899. L'article donne un compte rendu des épreuves et du résultat concluant sur la durée de ce bandage qui, " ayant déjà parcouru 7.200 km depuis l'exposition de Lille, vient de faire un voyage de 792 km aller et retour du Vésinet à Bruxelles, dont 16 km d'ornières, 186 km de pavés, et 130 km d'épreuves de toute sorte à Bruxelles, sans présenter aucune fatigue et aucune défectuosité" .
A partir de 1901, Emile Chameroy, seul ou avec son frère Albert, déposent à leur tour plusieurs brevets pour le perfectionnement du bandage Chameroy renforcé par des pièces métalliques (dans la fixation et la forme de celles-ci). Voiture munie de bandages Chameroy
Avec un phaéton Peugeot, 7 chevaux ¾, bandages Chameroy, charge de route, 1.300 kilogs, voyageurs compris, on fait une moyenne de 30 à 32 kilomètres à l'heure, ce qui porte de 50 à 55 kilomètres, la vitesse maximum en palier. Le Chauffeur, 25 Août 1900, n°88, 62e année. Emile et Albert Chameroy participent aussi à des compétitions régionales (Course de côte à Chanteloup, au Coeur-Volant course à Argenteuil course du Kilomètre, sur le champ d'épandage d'Achères, etc.). Ils courent généralement sur un modèle Peugeot équipé des bandages Chameroy. Mais ils ne remportent pas de lauriers et lorsqu'ils finissent la course, c'est " dans les profondeurs du tableau" . Et s'ils bénéficient dans la presse spécialisée de quelques articles complaisants, celui dont le nom apparaît dans tous les comptes-rendus de sports automobiles, " l'aimable M. Chameroy, l'ingénieur-constructeur bien connu" , c'est Edmond Chameroy, leur oncle, dont le pont à bascule, mis gracieusement à la disposition de tous les organisateurs de compétition automobile pour le pesage des voitures, assure à sa société, une publicité gratuite considérable. Les points forts de l'antidérapant Chameroy
Résistance considérable à l'usure. — Un parcours de plus de 4.000 kilomètres a été fait pendant cet hiver, sur des routes absolument impraticables afin de connaître la résistance de ce bandage aucun de ses organes n'a été altéré, l'usure en est presque nulle. Sécurité absolue. — Ce bandage ne dérape jamais, même sur le pavé le plus gras, l'arrachement est impossible malgré les vitesses ayant dépassé 50 kilomètres à l'heure. Élasticité constante. — L'élasticité de ce bandage peut être comparée à celle du pneu de moyenne dimension. Régularité remarquable dans la marche, jamais d'arrêt possible occasionné par ce bandage l'espace même qui pourrait se produire entre les segments n'altère en rien les organes, quel que soit l'état de la route ainsi que la vitesse de la voiture. La remise au point des segments se fait en quelques minutes. La Voiture Chameroy En 1903, Albert Chameroy, qui habite désormais à Montesson (4, chemin des Terres-Neuves) et qui est diplômé de l'Institut Commercial de Paris, et son frère Emile (ingénieur civil) obtiennent une patente pour construire des véhicules automobiles à essence. [Bulletin des lois, 1904 (202)]. Les Statuts de la Société seront modifiés en 1908, Emile restant seul exploitant. Un catalogue de 1909 nous apprend que les Etablissements Chameroy fabriquent des voitures légères dont la principale originalité concerne le mode de transmission. Hippolyte Chameroy puis Emile avaient déposé plusieurs brevets successifs pour le système d'embrayage par courroie qu'ils avaient conçu et plusieurs fois amélioré.
Le catalogue de 1909 présentait quatre modèles de voiture : Type A (3 cv) Type B (4 cv) Type C (6 cv ½ ) Type D (9 cv). Étaient proposés à la vente, soit des châssis nus, sans pneus, soit des voitures complètes avec carrosserie à la demande.
On avait bien connaissance d'une voiture Chameroy exposée dans un musée en Angou dans les années 1980 mais ce musée avait fermé ses portes au début des années 1990 cette dernière piste semblait sans issue. En 2018, à l'occasion du Salon Rétromobile, à Paris, la voiture Chameroy est enfin réapparue. Bernard Hippolyte Chameroy est mort à Laxou, petite commune de Meurthe & Moselle, le 2 janvier 1922. Les archives départementales ont été détruites par l’incendie du tribunal de première instance de Toul en 1939 qui a entraîné la destruction intégrale de la collection du greffe des communes de l’arrondissement pour la période 1833-1938. Mais l'état civil a été partiellement reconstitué par les efforts du Cercle Généalogique de Meurthe-et-Moselle. En 1931, Emile Chameroy et sa famille habitaient toujours au Vésinet, 71bis route de Montesson, mais il semble qu'après 1911, ils aient délaissé la construction automobile.
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