L'école Monge fut, semble-t-il, une pionnière dans l'institution de jeux scolaires : « des jeux, des activités, des crickets ; les élèves, séparés en deux camps distincts, se distinguent les uns des autres par des vêtements de flanelle de couleurs différentes, bleue et blanche. Le canot, les courses, le cheval, tous les exercices qui contribuent à donner de la hardiesse, sont classés au programme. » Le collège Chaptal, « sous l'intelligente et active initiative de son directeur, M. Coûtant », a suivi l'exemple. Il a obtenu l'usage au Vésinet d'un grand champ approvisionné de jeux où les élèves vont évoluer chaque jeudi. [1]
Le collège Chaptal, école primaire et secondaire municipale de la ville de Paris fondée en 1848, d'abord implanté rue Blanche, puis reconstruit boulevard des Batignolles, entre les rues de Rome, Bernouilli et Andrieux (1874), était spécialement consacré aux études industrielles, agricoles, artistiques et commerciales. La durée de l'enseignement étant de dix ans, les études embrassaient « toutes les connaissances exigées pour le baccalauréat ès sciences, l'École polytechnique et l'École centrale des arts et manufactures ». Le collège Chaptal pouvait alors recevoir 400 pensionnaires et 600 externes. Notre illustre concitoyen Jean-Louis Barrault y sera plus tard élève puis répétiteur. Victor Contamin et Henri Decron y firent leurs études.
Les archives du Conseil municipal de Paris ont conservé la trace des dispositions prises pour l'emploi des terrains du Vésinet aux fins de jeux scolaires sans toutefois permettre de les localiser précisément. [2]
Vu le mémoire, en date du 8 juillet 1889, par lequel M. le Préfet lui propose de prendre en location, pour l'installation d'un jeu de paume à l'usage des élèves du collège Chaptal, un terrain sis au Vésinet, mesurant 95 mètres de longueur et 60 mètres de largeur, et ce, aux conditions suivantes :
1° La location sera faite pour une durée de 9 années à partir du 1er juillet 1889 ;
2° La première année, la Ville paiera d'avance un loyer de 1,500 francs, moyennant lequel le propriétaire se chargera de faire macadamiser et approprier ledit terrain sans qu'il lui soit dû aucune indemnité ;
3° Pour les huit autres années, le loyer sera fixé à 50 francs par an ;
Vu l'engagement de M. E. Pallu, directeur de la Société du Vésinet, propriétaire du terrain ;
Vu le vœu émis par le Conseil d'administration du collège Chaptal dans sa séance du 12 juin 1889,
Délibère :
Article premier. — La ville de Paris est autorisée à prendre en location, pour l'installation d'un jeu de paume à l'usage des élèves du collège Chaptal, un terrain sis au Vésinet, et appartenant à la Société du Vésinet, aux conditions suivantes :
1° La location sera faite pour une durée de neuf années, à partir du 1er juillet 1889 ;
2° La première année, la Ville paiera d'avance un loyer de 1,500 francs, moyennant lequel le propriétaire se chargera de faire macadamiser et approprier ledit terrain sans qu'il lui soit dû aucune indemnité ;
3° Pour les huit autres années, le loyer sera fixé à 50 francs par an.
Art. 2. — Le loyer à payer d'avance pour la 1ère année, soit quinze cents francs (1,500 frs), ainsi que les frais du bail à intervenir évalués à dix francs (10 frs), seront prélevés sur le crédit inscrit au budget de l'exercice 1889, chap. 19, art. 34/19 (Collège Chaptal — Réserve pour dépenses imprévues).
Le Bulletin municipal de Paris de la même année 1889 [3] proposait un article propre à rassurer les parents sur le déroulement de ces Temps d'Activités Périscolaires avant la lettre ; rassurer aussi les contribuables par les coûts très raisonnables occasionnés par ces dispositions, grâce à la bienveillance d'Etienne Pallu, fils d'Alphonse et son successeur à la tête de la Compagnie MM. Pallu & Cie.
Élèves de Chaptal
Les élèves du petit et du moyen collège se rendent, accompagnés de leurs maîtres, au champ de courses du Vésinet et dans les terrains qui l'avoisinent et qui ont été mis gracieusement à la disposition des élèves de Chaptal par M. [Etienne] Pallu, directeur de la Société du Vésinet. Là, ils peuvent se livrer au jeu de paume sur un emplacement spécialement affecté à cet usage, au jeu de ballon, à la course, à tous les jeux en usage dans nos écoles, au canotage sur un lac dont la profondeur maximum est de un mètre et qui, par conséquent, offre toute sécurité; au patinage en hiver et à tous autres jeux que comporte leur âge et qui tous sont essentiellement français, les jeux anglais ne convenant aucunement à leur caractère. [4]
Les enfants sont revêtus d'un costume de coutil gris avec ceinture aux couleurs de la Ville, et d'une casquette américaine également en coutil. Ces effets leur sont distribués sur le lieu même des exercices et sont, après chaque séance, serrés dans un local spécial également prêté au collège par M. Pallu.
Le prix du voyage (aller et retour) est de 1,30 frs. Les élèves sont placés dans des wagons spécialement affectés au collège par la Compagnie de l'Ouest et dans lesquels la surveillance ne laisse rien à désirer. L'embarquement et le débarquement se font au commandement avec la plus grande rapidité et dans le plus grand ordre, chaque élève devant, pendant toute l'année, monter dans le même compartiment.
Cette dépense est couverte par un abonnement annuel de 30 francs payé par les familles, somme suffisante pour couvrir les frais d'excursion de toute l'année. Les familles ont fait un chaleureux accueil à cette innovation et vous avez tous vu à l'Exposition universelle, où le collège Chaptal a été honoré d'un grand prix, la belle photographie représentant les élèves dans leur costume de jeux sur la pelouse du Vésinet.
En hiver les élèves partent à midi 35 minutes et rentrent au collège à 5 h 1/2 ; en été, ils quittent le collège à la même heure et rentrent à 7 h 1/2 pour dîner ; dans ce cas un goûter leur est servi au Vésinet à 4 heures.
On peut rappeler qu'Etienne Pallu devait décéder quelques semaines plus tard (le 8 février 1890) après quelques jours de maladie, âgé de 36 ans. Les élèves de Chaptal, en délégation, et leur directeur M. Coûtant lui rendirent hommage à ses funérailles. Le conseil d'administration et les principaux actionnaires de la Société des Terrains et Eaux du Vésinet désignèrent pour lui succéder M. Alphonse Sauvalle qui tint les engagements de son prédécesseur ... avant de décéder à son tour, en 1894.
Pendant quelques années, la séance annuelle d'exercices physiques du collège municipal Chaptal sur la pelouse du champ de courses du Vésinet, devint une attraction pour le plaisir des petits et des grands. Le 21 juin 1891, cette fête intéressante était présidée par M. Carriot, directeur de l'enseignement primaire, assisté de MM. Jacoulet, directeur de l'école normale de Saint-Cloud, Leroux, chef du personnel de l'enseignement, Ledru, maire du Vésinet, etc.
Toutes les parties du programme, comprenant des exercices individuels et des mouvements d'ensemble de gymnastique, des assauts d'escrime, de boxe, de bâton et des exercices d'équitation, se succédèrent, exécutées avec une précision et un ordre parfaits, aux applaudissements de nombreux spectateurs. A l'issue de la séance, M. Jacoulet, au nom du ministre de l'instruction publique, dont il était le délégué, adressa de chaleureuses félicitations à MM. Coûtant, directeur du collège, Boucher, préfet des études, ainsi qu'à MM. Mancel, Murât, Souchal (professeurs de gymnastique, de boxe et de bâton) Rouvière (professeur d'escrime), et Lalanne (maître de manège) ... Une joyeuse collation terminait dignement cette solennité scolaire qu'un fort beau temps avait favorisée. [5]
Au Vésinet, cette nouvelle activité qui constitue à l'occasion une animation est assez bien perçue : «Nous aurons le plaisir de voir souvent au Vésinet les élèves du Collège Chaptal et leurs professeurs. Les parents, nous n'en doutons pas, viendront aussi au Vésinet et notre commerce local s'en trouvera bien. »
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Notes et sources :
[1] L'Éducation nationale. Journal général de l'enseignement primaire, 3e année, n°15, 14 avril 1889.
[2] Conseil municipal de Paris. Rapports et documents, n°96, 1889.
[3] Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 8e année, n°354, 24 décembre 1889.
[4] Allusion aux sports collectifs tels que rugby et football-association (notre football) en plein développement à cette époque dont un des clubs les plus fameux, le Club Français, aura son stade au Vésinet une dizaine d'années plus tard. On peut y ajouter le tennis, forme moderne et anglaise du jeu de paume, qui depuis une dizaine d'années alors, tendait à supplanter le jeu traditionnel français.
[5] Le Figaro, n°172, 21 juin 1891.
Société d'Histoire du Vésinet,
2014 - www.histoire-vesinet.org