D'après le Journal de Versailles, 17 juin et 8 juillet 1888.
Le Vésinet, lieu de fête prédestiné
Une nouvelle ère de prospérité semble, enfin, ouverte pour le Vésinet. [1]
A la création de la Prévoyance, société de secours mutuels qui vient d'être fondée et est appelée à rendre les plus grands services aux travailleurs, vont succéder les fêtes et les réunions publiques, destinées à favoriser les institutions de la commune (bureau de bienfaisance, caisse des écoles, Société de secours mutuels, crèche, etc.), et en même temps à donner au commerce local un peu d'activité et de mouvement.
Ces fêtes, qui seront, en un mot, utiles, profitables et agréables à tous, c'est-à-dire aux pauvres, aux ouvriers, aux commerçants et aux habitants, à ceux, notamment, qui viennent en villégiature au Vésinet, auxquels elles rendront le séjour plus agréable encore, contribueront, il faut l'espérer, à rendre à cette belle commune sa splendeur d'autrefois.
Le comité chargé d'organiser ces fêtes est, dit-on, formé ou en voie de formation. Il se composerait de la majeure partie des membres du conseil municipal et des délégués des différentes oeuvres de la commune, auxquels viendraient s'adjoindre un certain nombre d'habitants pris dans les diverses professions. Le concours personnel de tous les membres de ce comité serait acquis à ces fêtes et le conseil municipal – ou la majorité du moins – ferait, dans l'intérêt de la commune et de ses administrés, tous les sacrifices que le budget permettra. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ce qui sera décidé et publierons le programme aussitôt arrêté. [2]
La série des fêtes qui doivent être données au Vésinet commencerait par celle de la Caisse des écoles. Son conseil d'administration, présidé par le maire M. Ledru, et qui se compose, outre la vice-présidente, Mme Etienne Pallu, de sept conseillers municipaux: MM. Cappe et Dufresne (adjoints), MM. Deloison, Carville, Pierson, Maison et Carron, et de divers autres membres, a décidé d'organiser une grande fête au bénéfice de la Caisse. Cette fête serait donnée, nous dit-on, le dimanche 1er juillet, dans l'île du Grand-Lac.
La Société du Vésinet et son président, M. Etienne Pallu, prêteraient leur gracieux concours à cette œuvre, à laquelle ils contribueraient, pécuniairement, dans une large mesure. Ils mettraient, en outre, à la disposition du comité les magnifiques propriétés environnant le champ de courses : L'île du Grand-Lac, avons-nous dit, et même le lac pour les amateurs de science nautique. Dans ces conditions, le succès de la fête est absolument certain et sera aussi complet que possible, cela n'est pas douteux.
Le Vésinet se prête, d'ailleurs, disons-le, admirablement à l'installation de fêtes. Il n'y a pas d'endroits, en effet, qui offrent autant d'attrait aux promeneurs et aux familles qui vont s'installer l'été aux abords de Paris. Tout le monde connaît, n'est-il pas vrai, cette ravissante campagne, l'une des plus belles et des plus agréablement situées des environs de la capitale, tant recherchée par les Parisiens pour son climat bienfaisant et ses innombrables charmes champêtres ?
N'avons-nous pas tous admiré, en effet, ses larges et verdoyantes pelouses, ses magnifiques lacs, agrémentés d'îles et d'îlots charmants, bordés de gazons soyeux, de bosquets épais et variés, ses interminables rivières, ses poétiques ruisseaux, ombragés et limpides, qui la serpentent dans tous les sens, ses chutes d'eau, ses ravissantes cascades, du plus merveilleux effet, ses gués rustiques, ses points de vue, ses échappées à travers les futaies et les pelouses, ses bois profonds enfin, où la nature souriante et vivace se marie le plus harmonieusement du monde au génie de l'homme dans ce qu'il a pu produire de plus parfait, de plus fini, comme goût et comme art.
Et au milieu de toutes ces merveilles et comme pour les compléter, de coquettes villas, de superbes chalets et châteaux, des palais, peut-on dire ! de tous les styles, s'élevant gracieusement, au centre de leurs parcs, artistement dessinés et entretenus avec une science consommée et où chacun peut admirer des plantes, des arbustes et des fleurs des essences les plus rares et du plus bel effet.
Tout cela est, disons-le, tout simplement admirable ! Il faudrait de longs mois et de nombreuses colonnes pour connaître et décrire tous les charmes de cette ravissante commune que chacun a tenu ou tiendra à visiter, pour son édification personnelle et son agrément, et beaucoup aussi pour sa santé. Aussitôt que le programme de la fête aura été dressé, nous le publierons.
Au dernier moment, on nous dit que cette fête sera magnifique. Ce serait une grande kermesse où se trouveraient réunis les jeux les plus divers (chevaux de bois, tirs à la carabine et autres divertissements des fêtes publiques) et les distractions les plus attrayantes, des promenades en bateau notamment. Divers buffets seraient aussi installés et d'une manière aussi confortable que possible, paraît-il. Le soir, on donnerait une grande fête de nuit avec feu d'artifice dans l'île et sur le grand lac, dont l'effet, vu le parfait ensemble des emplacements, serait merveilleux !
Programme de la kermesse (1er juillet 1888): A partir de 2 heures : Fête champêtre. - Promenades en bateau. - Chevaux de bois. - Tir à la carabine. - Petits chevaux. - Jeux de boules, de massacre. - Tourniquets. - Guignol. - Baraques diverses. - Promenades à ânes. - Laiterie. - Buffet. - Concert. - Bal d'enfants. Le soir : Dîners en plein air ou sous la tente. - Fête vénitienne : Illuminations. Embrasement de l'Ile. Bal champêtre. Tombola. Prix d'entrée : 1 franc par personne, 0,25 frs par enfant.
Quelques semaines plus tard, le même Journal de Versailles publiait le récit par un de ses correspondants de la kermesse en question :
Le bal a été aussi des plus animés et des plus fructueux. On a dansé jusqu'à 3 heures du matin. Beaucoup de Parisiens ont même, assure-t-on, oublié l'heure du dernier train. Ajoutons que, pendant toute la fête, l'excellente musique l'Harmonie du Commerce a joué, d'une manière digne d'éloges, les meilleurs morceaux de son répertoire. La Société du Vésinet et M. Pallu ayant pris généreusement à leur charge tous les frais, les 8 500 francs recueillis reviendront intégralement aux enfants des écoles. Il convient de féliciter de ce brillant succès et de les en remercier, M. et Madame Pallu et la Société du Vésinet qui se sont dévoués à l'organisation de cette fête de bienfaisance scolaire, ainsi que le conseil d'administration de la Caisse des écoles, de même que toutes les bonnes volontés qui y ont également contribué, c'est-à-dire :
Les dames patronnesses : Mmes Ledru, Deloison, Lefèbvre, Carville, Tucker, Dufresne, de Pizzaro, Arrezo, Carpentier, E. Ploux, Lehec et Bonard, etc., ainsi que les ravissantes jeunes filles qui les ont aidées : Mlles Ledru, Cappe, Jean, Pezé, Chivot, Brianchon, Veissière, de Pizzaro, Buret, Ruef, Mugler, Camus, Demouy, Dufresne, Gréder, etc., qui toutes ont rempli leur tâche avec une grâce charmante, un zèle admirable ;
Enfin les commissaires ; MM. Ledru (père et fils), Deloison, Cappe (père et fils), Carville (père et fils), Delmas, Demouy, Gaume, Caron, Delmas, Garden, Deloison, Lemoal, Bougrand, Joureau, Jean fils, Arrezo, Chivot, Brianchon, S. Pellerin, Riondel, Celron, Tourneux, etc., qui tous se sont acquittés de leur rôle avec un entier dévouement et la plus parfaite urbanité.
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Notes:
[1] Par arrêté, le maire A. Foucault avait, l'année précédente, interdit les manifestations religieuses sur la voie publique, y compris les convois funèbres conduits par un prêtre.
[2] La Société des fêtes fut l'objet de toutes les attentions de la nouvelle équipe municipale, élue en mai 1888, conduite par Alphonse Ledru. Celui-ci, élu par les propriétaires de villégiatures, comptait sur ce comité pour agrémenter le séjour des riches villégiateurs, tout en les mettant à contribution, par le moyen des manifestations de bienfaisance, pour financer les œuvres sociales de la Commune.
Société d'Histoire du Vésinet,
2012 - www.histoire-vesinet.org