L'Eglise Sainte Marguerite du Vésinet, centre d'intérêt
Aux premiers temps de la « colonie du Vésinet », la construction de l'église qui devait devenir Ste Marguerite fut un constant objet de curiosité, d'attention, de commentaires. Après la pose de la première pierre — la seule comme on plaisanta dès l'origine, remarque tant reproduite depuis ! — qui déjà fut une fête remarquée, l'originalité de la méthode, des matériaux, la rapidité de la construction, ont donné lieu à de nombreux articles de presse ... à la grande satisfaction des promoteurs de cette grandiose opération immobilière qu'était aussi la naissance du Vésinet. Nous en avons retenu quelques morceaux choisis, en commençant par la pose de cette fameuse « première pierre ».
Pose de la première pierre de I'Eglise du Vésinet[1]
On sait avec quelle intelligence M. Pallu, directeur de la Société du Vésinet, a transformé un bois aride et sans attraits en frais ombrages, en douces retraites, où les eaux, la verdure et les pittoresques horizons ont déjà attiré assez d'habitants pour former le noyau d'un village. C'est à l'aide de deux machines réunissant la force de 120 chevaux qu'il a pu, empruntant à la Seine ses eaux, canaliser tout le parc du Vésinet, y créer des rivières, des lacs, des cascades, y faire surgir tous les agréments de la nature avec toute sa fécondité. Non content d'avoir transformé un désert en une oasis, de l'avoir animé de colons, M. Pallu a compris qu'il fallait aussi créer dans ce pays naissant un centre religieux où chacun put aller chercher sa part d'enseignements. Le souvenir d'une enfant aimée lui a inspirée la fondation d'une église. Marguerite, nom de la jeune fille qui n'est plus, sera désormais le nom de la patronne de l'église qui s'élève et dont on a posé dimanche la première pierre. C'était un spectacle vraiment imposant que de voir au milieu de cette belle nature une foule innombrable agenouillée, venue de tous côtés pour entendre cette première messe dont les chants religieux rompaient pour la premiere fois le silence du bois. Monseigneur de Versailles, qui présidait cette belle fête, a démontré en cette circonstance l'influence morale de l'Eglise dans les villages. II a rappelé qu'il y a deux ans il était venu bénir ces merveilleux moyens de notre industrie qui rapprochent les hommes, et qu'aujourd'hui il bénissait le lieu qui devait unir leurs cœurs.
Après cette messe solennelle, la procession a accompagné jusqu'a la demeure de M. Pallu [2] Monseigneur, qui pendant le trajet a béni tous les petits enfants qu'on lui a présentés sous une tente dressée sur le gazon, au bord de l'eau, où attendaient l'Evèque et sa suite, les curés des paroisses voisines, les représentants de principaux journaux et beaucoup d'autres personnages.
A la fin de ce repas, égayé par l'excellente musique du 3oe de ligne, M. Pallu a porté un toast à l'Empereur, à l'lmpératrice et au Prince Imperial. Un autre toast a été porte en remerciement de l'aimable et gracieuse réception de M. et Madame Pallu. La fête s'est continuée par des concerts, des jeux, des courses, etc. La soiree s'est terminée par un magnifique feu d'artifice, par des bals, par de brillantes illuminations dans les bois et sur les eaux.
Rarement fête de campagne fut aussi gaie, aussi nombreuse et mieux ordonnée.
Un tel article aurait pu être commandé par la Compagnie du Vésinet comme argument publicitaire. Il sera diffusé par plusieurs quotidiens et par les Annales de la propriété immobilière, urbaine et rurale en France et à l'étranger par Jules Périn, dans son édition annuelle. Le Menestrel, quant à lui apporte quelques précisions sur les divertissements qui accompagnent l'événement religieux et en font une attraction artistique :
Dimanche dernier, a eu lieu dans le parc du Vésinet l'inauguration de la fête du village et la pose de la première pierre de l'église, placée sous le patronage de sainte Marguerite. Pendant la cérémonie, l'orchestre, dirigé par M. H. Maury, a exécuté une marche religieuse d'Adolphe Adam, le Tantum ergo de Rossini, un prélude de J. Bach, exécuté sur le hautbois par M. Cras, premier hautbois de l'Opéra, avec accompagnement de harpes, et une marche militaire de M. Paulus. Tous ces divers morceaux ont été exécutés d'une façon remarquable. Après la cérémonie religieuse et pendant le déjeuner offert dans sa villa par M. Pallu, la musique du 30e régiment de ligne a fait entendre divers morceaux, parmi lesquels on a particulièrement remarqué la bonne exécution de nombreux fragments du Pré-aux-Clercs, de la Dame blanche, et une originale polka venue de Prusse.
A deux heures, comme tous les dimanches, a eu lieu sur la pelouse le concert d'harmonie dirigé par M. H. Maury. Nous nous bornerons à citer les noms des maîtres qui y ont été savamment interprétés : Auber, Mozart, Meyerbeer, Weber, Gounod, Grétry, etc. A huit heures du soir, les instruments ont été remplacés par la voix humaine, et l'on a chaudement applaudi le concert vocal donné par la société chorale Pleyel-Wolf, fondée par M. Auguste Wolf. Ces chœurs, composés de cinquante orphéonistes, ont été admirablement conduits par M. Joseph O'Kelly.[3]
Une année passe et le bâtiment qui se dresse au centre du village, qui compte déjà une centaine de maisons, commence à intriguer les observateurs. La réaction tantôt teintée de raillerie est souvent admirative et la description simple des techniques employées est riche d'enseignements.
Un édifice aux murailles composées de matériaux inconnus jusqu'à ce jour s'élève aux environs de Paris ; c'est l'église du Vésinet. Cet édifice sera, jusqu'à hauteur des combles, formé d'un agrégat imitant la pierre de taille, et les voûtes ainsi que la charpente seront en métal mais de pierre point, à l'exception de la première, qu'on a posée solennellement en juin dernier et qui est une pierre pour tout de bon.
Les matériaux de ce monument sont un composé de chaux, de sable, etc., qu'on mêle à pied d'œuvre au moyen d'une machine, de manière à en former une espèce de ciment ; on introduit cet amalgame dans des moules compresseurs, et, au bout d'un temps donné, l'agrégation est faite. Alors on retire du moule une pierre extrêmement dure et toute façonnée, c'est à dire avec des nervures, fragments de colonnettes, enfin toute l'ornementation que d'ordinaire on sculpte après coup.
Chacun de ces blocs sort du moule percé de part en part dans son axe ; cette espèce de conduit, correspondant lorsque le bloc est mis en place avec celui de la pierre inférieure, est rempli d'une coulée de ciment qui forme le noyau de jonction.
Cette église pseudolithe, commencée il y a cinq mois, est déjà à hauteur de clair étage, le gros-œuvre en sera terminé en décembre etrestera tout l'hiver exposé aux intempéries de la saison, qui ne peuvent, dit-on, qu'exercer une influence salutaire sur ses matériaux. Le monument est de style ogival aussi avons-nous été très étonnés d'y voir les assises simulées par des rainures, ce qui est un anachronisme ; il se composera d'une nef et de deux collatéraux, son portail sera surmonté d'une flèche de 16 mètres. Ce sera un spécimen très curieux de l'une des tentatives architecturales de notre époque. [4]
Le Journal des Débat, qui publie le même article, apporte un mois plus tard quelques précisions techniques [5]
Nous avons publié, d'après Le Siècle, quelques détails sur l'église que l'on bâtit au Vésinet par un procédé tout nouveau. Voici quelques autres renseignements sur cette curieuse construction.
L'édifice, qui couvre 5 ou 600 mètres de superficie, formera un seul bloc, sans joints et sans enduits, un véritable monolithe. Murailles, colonnes, sculpture, tout sort d'une série de moules superposés. Par le simple mélange d'une grande quantité de sable avec une faible proportion de chaux, préparé et mis en œuvre d'après une théorie savante et ingénieuse, on produit une pâte de pierre presque pulvérulente qu'on agglomère par couches minces dans des moules établis sur le mur en élévation.
Le travail du jour se soude de lui-même avec celui de la veille et ainsi de suite, indéfiniment. Bientôt après on retire les moules ; cette matière, qu'on nomme béton aggloméré, ou plus habituellement du nom de l'inventeur, béton Coignet, est devenue absolument imperméable, insensible à l'action du temps, de la gelée, des intempéries ; elle a pris l'aspect de la pierre de taille, dont elle surpasse la dureté pour atteindre celle du granit.
Ce béton prend si exactement et dans de si petits détails la forme intérieure du moule, qu'il reproduit les formes les plus délicates de la statuaire antique. Les moules étant mobiles, l'opération se renouvelle tant qu'on veut. De telle sorte que, par le moulage, le béton aggloméré serait à la sculpture et à l'architecture ce que l'imprimerie est au manuscrit, la photographie à la gravure.
Bien que la ville de Paris et les architectes fassent une large application de ce procédé pour toute sorte de travaux de maçonnerie, où la pierre de taille et les autres bétons sont plus coûteux ou jugés insuffisants, on n'en a pas fait encore d'épreuve aussi complète que dans la nouvelle église du Vésinet.
Tel un feuilleton, le Petit Journal poursuivra ses reportages jusqu'au terme de l'édification quitte à se répéter parfois (rappel du chapitre précédent !) et sans omettre l'allusion ironique à la première pierre ...[6]
Lors de la construction de l'église du Vésinet, nous avons entretenu nos lecteurs des singuliers matériaux employés à cette bâtisse. En effet, les murailles ont été faites avec des matériaux composés d'un mélange de chaux et de sable qui a été amalgamé au moyen d'une machine de manière à former une espèce de ciment. Introduit dans des moules compresseurs, ce mélange, après un certain temps, formait un corps très dur imitant la pierre de taille. Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est que ces pierres factices sortaient du moule avec toutes les décorations sculpturales désirées, puisqu'il ne s'agissait pour cela que de les pratiquer dans les moules. Comme on le voit, c'est en quelque sorte de la pierre fondue.
Chacun de ces blocs, ainsi composé, était percé de part en part en sortant du moule par un conduit ménagé dans l'axe, et dans lequel, lorsque l'on construisait, on versait une coulée de ciment afin de le rendre adhérent avec le bloc inférieur. Ce ciment formait le noyau de jonction.
Ces murailles d'un nouveau genre ont déjà subi un hiver peu rigoureux, il est vrai, et les intempéries de la saison ont exercé sur elles l'effet le plus salutaire, car elles commencent à revêtir une teinte vague de nature à augmenter de plus en plus l'indécision des connaisseurs.
Cette église pseudolithe est de style ogival elle se compose d'une nef et de deux collatéraux ; une flèche de 16 mètres d'élévation domine son portail, dont l'aspect ne manque pas d'une certaine harmonie sérieuse. C'est, en un mot, un spécimen extrêmement curieux de l'une des innovations les plus originales de notre époque. La voûte et la charpente sont en métal, mais de pierres point, à l'exception de la première cependant, qui fut posée solennellement au mois de juin dernier, et qui était une vraie pierre, cette fois, une pierre pour de bon.
Lorsqu'on trouve dans Le Siècle, le Journal des Débats, le Petit Journal, et quelques autres à quelques jours d'intervale, des articles de la même teneur, presque mot pour mot, on ne peut s'empêcher de penser à un communiqué de presse émanant de la Compagnie du Vésinet pour assurer sa promotion. Eugène Lacroix, dans son article [7] juge l'église du Vésinet, « une des constructions monolithiques les mieux réussies ». Il fournit quelques précisions : Elle est « construite en sable de mine du Vésinet. Le mélange a été de 5 parts de sable de mine, une de chaux et 1/4 de ciment ». Les dallages « se font avec 5 [parts de] sable, 1 chaux et 1 ciment, ils sont pilonnés avec beaucoup de soins et lissés à la truelle. »
[...] On sait qu'une église a été bâtie au village du Vésinet ; la première pierre en fut posée au mois de juillet 1862 par Mgr Mabile. Cet édifice religieux a été solennellement consacré hier dimanche, avec une grande pompe, par Mgr l'évêque de Versailles. Une foule considérable assistait à cette cérémonie qui, commencée a sept heures du matin, et ne s'est terminée qu'à onze heures. L'église du Vésinet, qui s'élève sur une place plantée d'arbres, a été placée sous l'invocation de sainte Marguerite.
Cette église est construite avec un ciment imitant la pierre et sa charpente est toute en métal de fonte. Cette espèce de béton, composé de plusieurs ingrédients, a déjà été employé dans diverses constructions, mais on ne lui avait pas encore donné des formes artistiques.
Le soir, le village du Vésinet a été splendidement illuminé, et à neuf heures on a tiré un feu d'artifice.
Mais la construction, les matériaux et les techniques retiennent l'attention de revues scientifiques qui mentionnent le travail de Louis Auguste Boileau, « le style ogival, une nef avec bas côtés, les colonnes qui en marquent la séparation, et les arcatures des voûtes qui sont en fonte, la toiture est en zinc ondulé ». [8] Les maçonneries en béton aggloméré de MM. Coignet frères et Cie ne sont pas oubliées et à cet égard on souligne que « dans leur mode d'emploi, cependant différent de celui des matériaux appareillés, on a simulé des joints » [9]. On relève aussi quelques critiques. Ainsi Galouzeau de Villepin, sculpteur ornemaniste trouve ce monument, « très simple, où le fer joue un grand rôle, est dans le style du commencement du XIIIe siècle ». Néanmoins, il conclut que « cette sorte de construction permet une grande légèreté, mais les colonnes en fonte ont toujours une maigreur qui nuit aux monuments où l'on cherche à reproduire le style du moyen âge. La forme courbe des combles des bas-côtés et de l'abside ne convient pas non plus à cette même époque.» [10]
A Toulouse, L'éditorialiste, un commentateur de l'Exposition de 1865 où Coignet présentait son travail, est plus enthousiaste.
Tout le monde a entendu parler de la construction de l'église du Vesinet, par le système Coignet. Cet élégant édifice, admirable monolythe obtenu par le béton aggloméré, a un aspect aussi gracieux que les constructions en pierre de taille.
Le béton aggloméré qui a été employé avec tant de succès aux maçonneries monolithiques est appliqué aussi à la confection de la pierre de taille artificielle. Et, pour le grain, la couleur, la vivacité des arêtes, cette pierre-béton ne laisse rien à désirer. Elle se prête à toute espèce d'ornementation, et coûte moins cher que la pierre naturelle. On ne saurait trop vivement applaudir au résultat obtenu par M. Coignet, et faire des voeux pour que son système se propage. [11]
Comme on ne peut plaire à tout le monde, il y eut aussi des critiques. Citons celle de Louis Barron, auteur de nombreux ouvrages à visée touristique qui écrit à propos de l'église Ste Marguerite : « L'église construite
en fonte et béton aggloméré industriellement est vaste et d'un style
indéfinissable, byzantin et roman, mauresque et gothique comme on
voudra, et peinturlurée, agencée de telle façon que le clocher supprimé,
on en pourra très bien faire, ce nous semble, une succursale du
magasin du Printemps. Oh, triomphe de l'utilitarisme. » Très mal accepté par les historiens locaux, le propos sera dénoncé dans le Bulletin municipal de septembre 1968. Mais Barron n'était pas seul à émettre des réserves sur le nouveau lieu de culte. Ainsi, le tout jeune Gaulois y voyait « un bien joli spécimen de l'art moderne, disons-le en passant, similibrique, similipierre, similimarbre à faire pâmer d'aise un bonnetier retiré [sic]» [...] « sous les arceaux de fonte peinturlurée. » [12]
Nouvelle église, en fer et béton aggloméré, construite au Vésinet par M. Boileau, architecte (Emile Bourdelin - Le Journal Illustré, 1865.)
...l'Eglise paroissiale coulée d'un seul bloc de béton Coignet sera bientôt trop exiguë pour contenir le monde élégant composant la belle société qui forme en cet endroit le berceau d'une grande ville champêtre tout à côté de Paris.
La construction achevée, il fallait que l'église reste un lieu d'animation autant que de culte. Et que la presse, s'en fasse l'écho. Marcellin, pour La Vie parisienne en témoigne sans être dupe, notant au passage l'implication de certains des villégiateurs. [13]
Il existe sur la route de Saint-Germain un nouveau et coquet village appelé "le Vésinet", lequel possède une église aussi neuve et aussi élégante que lui. Invité par un ami à y passer la journée de dimanche dernier, nous avons eu peine à trouver place dans l'église remplie de femmes charmantes aux ravissantes toilettes, et attirées là peut-être moins par l'office divin que par l'attrait d'une messe en musique organisée par les soins de M. Trinquart, propriétaire dans le pays. J'ai distingué entre autres un morceau religieux pour le violoncelle, exécuté par M. Norblin, professeur au Conservatoire. La voix de Jules Lefort a produit la plus vive sensation dans un « Salutaris » avec accompagnement de violoncelle et d'orgue, et dans « l'air d'Eglise » de Stradella. Tout ému par cette magnifique musique, j'avais oublié la terre, et j'enviais la position de "celui" pour qui l'on fait de si jolies toilettes, et à qui l'on adresse de si belles prières.
Edme de la Combe, chroniqueur de la vie parisienne, consacrant un billet à l'église du Vésinet dans La Comédie ! Encore une bonne raison de supposer qu'il s'agit d'une nouvelle « réclame ». [14]
La messe au Vésinet. La soirée à Saint-Germain. Est-il rien de plus enchanteur que ce gracieux village tout moderne, tout parisien, qui a nom Le Vésinet ?
A une demi-heure du bruit des affaires c'est-à-dire à portée de la dernière inspiration du tailleur en renom ou de la modiste en vogue, mieux que la plage de Dieppe ou que les ombrages de Bade, il a le premier et les modes nouvelles, et les mots nouveaux, qui s'y reposent quelques minutes avant d'aller défrayer la Chronique sur la terrasse de Saint-Germain.
Aussi voyez ces adorables jeunes filles et leurs mères non moins belles, se rendant au premier tintement de la cloche à la messe du dimanche. Toutes, sur la soie ou sur la mousseline, portent les grands rubans bleus de la Confrérie de Sainte-Marguerite [14], et, soit agenouillées à l'autel, soit tendant l'aumônière vite remplie dans leurs mains élégantes, soit offrant le pain béni, elles forment un tableau enchanteur. Mais, c'est de musique et non de religion et de modes qu'il doit s'agir ici. Or, tous les dimanches, cette coquette église du Vésinet a une messe en musique avec soli par des cantatrices ou des chanteurs des plus remarquables, et, dimanche dernier, une bonne société d'orphéonistes allemands et Mlle Nina de Rionnelle [15] prêtaient leur concours à la solennité religieuse.
L'effet produit par cette artiste a été indicible : si, mieux que personne, nous n'étions que convaincu que le théâtre la réclame, nous croirions que sa place est à l'église où sa voix vibre avec grand éclat, et où sou style, dégagé de tout ornement profane, est large et soutenu. Le grand mérite de Mlle de Rionnelle tient surtout à l'âme qu'elle fait passer dans ses chants, et qui montre tons les sentiments d'ardente piété qui, avec l'amour de l'art, se,partagent son cœur généreux et enthousiaste. Aussi, dans sa bouche, Ave Maria ou Kyrie, o Salutaris surtout, acquièrent une chaleureuse passion qui fait penser à la fois à Sainte-Thérèse et à Sainte-Cécile.
Mais, après la messe, la promenade le long de la Seine conduit à Saint-Germain sur la terrasse et au concert d'une nouvelle Société d'harmonie qui, déjà mérite attention, et le soir, dans quelques salons privilégiés, où l'on fait de la musique, toujours de la musique. Ne nous en plaignons pas : là encore nous avons entendu Mlle de Rionnelle, cette fois dans Casia diva, et un professeur d'un talent reconnu, Mme Falconi, que le Conservatoire de Vienne a enlevée à Paris où elle comptait de nombreux élèves et de nombreux amis.
Quelle est donc cette Conférie de Sainte-Marguerite dont il est question ici ?
Un article de Francisque Sarcey [16], publi é plus de dix ans plus tard, en mai 1879, nous fournit sinon la réponse, du moins une piste de recherche. Sur un tableau affiché dans l'Eglise on apprend qu'une « Confrérie de la Sainte Vierge » a été établie dans la paroisse Sainte-Marguerite du Vésinet sous le vocable de l'Immaculée Conception.
Le directeur en est alors « Mgr J-B. Léon Maret, camérier secret de notre saint-père le pape, missionnaire apostolique, chanoine d'honneur de Bordeaux, de Coutances, d'Agen, de Terracine et d'Avignon, curé de la paroisse ». Une liste des dignitaires était composée ainsi :
Hétiet, Berthe, présidente
Bernard, Marie, vice-présidente
Bernadac, Marie, secrétaire
Adduard, Ambroisine, porte-bannière
Bernadac, Anne, trésorière
Ballu, Marie, organitatrice
Suivaient les noms des membres actifs, membres aspirants, membres participants, membres défunts que l'article ne nomme pas. Sarcey relève que « La Confrérie de l'Immaculée-Conception acceptera des membres aspirants : ces derniers seront pris parmi les jeunes filles qui n'auront pas encore fait leur première communion. » Une autre Confrérie dite des Enfants de Marie, datée de 1898, figure sur le tableau de marbre à la mémoire des Fondateurs de l'Eglise qui se trouve toujours dans le déambulatoire.
***
Notes et Sources
[1] La Concorde, 24 juillet 1862. Article repris du Moniteur.
[2] Il ne s'agit pas encore de la villa La Marguerite que M. Pallu fera construire plus tard près du Grand Lac mais de la villa construite par Pierre Joseph Olive au bord du Lac de la Station et lui appartenant, louée à M. Pallu.
[3] Le Ménestrel n°35, 2 Août 1862.
[4] Le Petit journal - n°271, 29 octobre 1863, Le Siècle, Le Journal des Débats reprennent le même article.
[5] Journal des Débats, 5 nov 1863. En fait, le clocher culmine à 40m, les voûtes de la nef à 17 m. Avec 52 m de long et 17 m de large (superficie 820 m²), le bâtiment accueille 850 personnes.
[6] Le Petit Journal, 7 mai 1864.
[7] Eugène Lacroix Nouvelle technologie des arts et métiers des manufactures, des mines, de l'agriculture etc. , 1872.
[8] Le Petit Journal, n°885, 4 juillet 1865.
[9] Album pratique de l'art industriel, n°49 et 54, 1865.
[10] L.T. Galouzeau de Villepin. Les Beaux Arts, 1865.
[11] Journal illustré de l'Exposition toulousaine, n°27, 18 mars 1866.
[12] D'après Octave de Parisis, Le Gaulois, n°101, 13 octobre 1868.
[13] La Vie parisienne : moeurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes par Marcellin, 1er juin 1866.
[14] La Comédie, n°179, 4e année, 26 Août 1866.
[15] Nina de Rionnelle. Cantatrice et comédienne qui connut un certain succès sur les scènes parisiennes mais qui reste surtout connue pour ses innombrables tournées sur les scènes de province. Sa prestation à l'église du Vésinet fut aussi saluée dans la Revue artistique et littéraire (T11, 1866) et La Comédie la qualifiait de « jeune soprano plein d'avenir, sa science du chant, l'éclat de sa
voix, la beauté de la femme, l'intelligence du geste, le fin de la
diction, faisant d'elle une artiste rare ».
[16] Le XIXe Siècle, n°2707, 20 mai 1879, repris par La Lanterne.
Société d'Histoire du Vésinet,
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