Le nouveau Règlement d'Urbanisme communal (1970) présenté par Paul Didier, maire
adjoint
Rares sont les habitants de la Région
Parisienne qui ne connaissent pas Le Vésinet. Souvent attirés par sa
renommée, ils sont venus et ont apprécié ses sites calmes et verdoyants,
ses ombrages, ses villas disséminées dans la verdure, ses villages
où s'est rassemblée l'activité commerciale. Ou bien, le hasard leur
a fait trouver cette oasis au sein de la banlieue tentaculaire, et
ils n'ont pas manqué d'être frappés par le contraste avec les communes
environnantes.
C'est
que le Vésinet fut la première agglomération dotée d'un plan d'urbanisme
qui comportait déjà, dès avant son érection en Commune en 1875, les deux
pièces maîtresses de toute oeuvre d'urbanisme : un plan, le plan de lotissement
et un règlement, le cahier
des charges d'Alphonse Pallu du 10 mai 1663. Et il a pu, ainsi,
se développer dans le cadre qui lui avait été tracé par son Promoteur.
D'autres Communes de la Région Parisienne connaissent des lotissements
du même genre, telle Maisons-Laffitte. Le Vésinet est la seule où la
commune coincide exactement avec le lotissement. Il en résulte une unité qui
ne se retrouve nulle part ailleurs unité de conception, unité de développement,
unité d'intérêts entre les habitants, tous soumis au même règlement et
tous bénéficiaires des mêmes avantages.
Conçu comme un lieu de villégiature pour les Parisiens, cette destination
s'est peu à peu transformée avec le développement du chemin de fer, puis
de l'automobile et avec la poussée démographique et le phénomène de l'urbanisation
qui ont débordé peu à peu Paris et sa plus proche banlieue, Le Vésinet,
englobé maintenant dans le tissu urbain de la Région Parisienne, a perdu
son caractère de résidence secondaire et est devenu un lieu d'habitation
privilégié et recherché mais il a conservé son caractère d'agglomération
formée de villas disséminées dans la verdure.
Ce ne fut pas toujours sans difficultés, car les créateurs du Vésinet
n'avaient pas tout prévu. Mais chaque fois que la Ville a été menacée
d'un développement contraire à l'esprit d'origine, la population a manifesté son
attachement au Vésinet traditionnel et a réagi pour défendre et conserver
son cadre et ses particularités.
Elle fut d'abord menacée par le morcellement des propriétés. C'est surtout
pour s'en défendre que fut rédigé le Règlement
de 1937 qui constate l'existence, en dehors des villages de trois
zones :
La première catégorie, avec
abords et environs des pelouses, coulées, lacs et rivières
La deuxième catégorie, dans
les parties qui avaient conservé un caractère pittoresque
La troisième catégorie, dans
les parties où le morcellement était déjà très accentué
Ce règlement a établi des normes différenciées
pour le morcellement des propriétés dans ces trois zones. Il a commencé également à réglementer
la construction, bien timidement, car c'était une nouveauté, mais il
a défini, en particulier, les premiers gabarits.
Il apparaît également que les rédacteurs de ce document ont senti un
peu confusément le second danger qui allait menacer Le Vésinet, la construction
collective. C'est après 1950 que ce danger se concrétisa vraiment et
que les insuffisances du Règlement de 1937 apparurent à leur tour. Ce
règlement fut donc mis en révision le 7 juin 1962 [1].
Un premier projet fut établi en mars
1964. Après avoir énoncé d'excellents principes, ce projet s'en écartait
malheureusement dans leur application. Il fut repoussé par la population à l'occasion
des élections municipales de 1965 qui se jouèrent sur ce thème. Le
nouveau projet conserve les principes du projet de 1964, mais il les
applique plus strictement dans le sens de la conservation du caractère
qui avait été donné au Vésinet par A. Pallu. Les rédacteurs du nouveau
projet de règlement se sont trouvés affrontés à un certain nombre de
difficultés.
Depuis l'élaboration du Règlement
de 1937, l'Administration a établi un Règlement-Type [2]
et a demandé à la Ville de s'y conformer. Il est bien évident que ce
Règlement-Type est mal adapté au caractère particulier de la Commune.
Alors que les rédacteurs du Règlement de 1937 avaient pu rédiger leur
document en toute liberté et y introduire intégralement les dispositions
du Cahier des Charges de 1863, le Règlement-Type ne se prête pas à cet
amalgame.
L'Administration a donc suggéré à la Commune de se contenter d'un règlement
tiré du Règlement-Type et de conserver le cahier des charges en tant
que document contractuel. La Ville s'y est opposée, car cela aurait signifié un
recul par rapport au Règlement de 1937. A cette époque, les rédacteurs
avaient bien vu ce problème en écrivant: "Enfin, l'on ne saurait
trop insister sur ce point, le cahier des charges n'avait pas force de
loi. Les violations de ses dispositions cependant déjà insuffisantes,
violations qui étaient trop nombreuses, ne pouvaient pas faire l'objet
d'un acte d'autorité de la Municipalité, mais seulement d'une action
judiciaire". En incluant littéralement les dispositions du Cahier
des Charges dans leur Règlement, ils avaient voulu fondre un document
de droit privé dans un ensemble de dispositions de droit public. Il serait
regrettable de vouloir revenir en arrière. La Ville a donc tenu à n'avoir
qu'un document. Les dispositions du Cahier
des Charges qui ne trouvaient pas leur place dans le Règlement-type
ont été reprises dans un titre V après adaptation aux conditions des
temps présents.
Cette manière de procéder n'a rien d'anormal. Les règlements généraux édictent
en effet un certain nombre de dispositions auxquelles les règlements
particuliers doivent se plier. Mais, sauf disposition contraire formelle
de la Loi, le règlement particulier peut fort bien renforcer le règlement
général, soit en édictant des règles plus strictes, soit en y ajoutant
des règles particulières. C'est ce principe qu'appliquent journellement
les arrêtés préfectoraux et les arrêtés municipaux.
Le Règlement de 1937 introduisait l'obligation du permis de construire.
Cette matière est maintenant réglementée sur le plan national et le Code
de l'Urbanisme, dans son article 84 a expressément substitué la réglementation
nationale en la matière, à toutes les réglementations antérieures. Bien
entendu, cela ne dispense pas les constructeurs et les fonctionnaires
chargés de l'instruction des demandes de permis, de respecter et de faire
respecter les réglementations locales en matière de construction.
Le projet actuel ne parle donc plus de l'obligation du permis de construire,
mais conserve l'obligation de recourir aux services d'un Architecte.
Sur le plan national, il n'existe pas de permis de diviser, il n'existe
que le permis de lotir. La notion de lotissement a varié au gré des interprétations
des textes en l'absence d'une définition réglementaire précise. L'usage
s'était établi, du moins au Vésinet, de demander une autorisation pour
toute division, Les Services Départementaux abandonnent désormais cette
pratique à la faveur d'une définition plus restrictive des lotissements.
En raison de l'importance de ce problème dans le contexte du Vésinet,
il a paru nécessaire de soumettre toute division à l'autorisation du
Maire pour permettre d'en vérifier la conformité avec le Règlement et
pour éviter toute surprise désagréable aux acheteurs ignorants de la
réglementation locale.
Enfin, il n'existe aucune réglementation de la mise en copropriété. Si
cette pratique présente une utilité incontestable, en particulier pour
permettre une utilisation satisfaisante de terrain dont la division n'est
pas possible ou pas souhaitable, elle ne doit pas constituer un moyen
de tourner la réglementation relative aux divisions. Certains incidents
récents ont montré la nécessité de réglementer cette matière et d'en
surveiller la mise en oeuvre.
Le règlement de 1937, en l'absence de directives, avait institué un zonage
par rues [3]. Ce zonage présentait l'avantage d'assurer
l'unité d'aspect des rues, Il était, par contre, une cause de difficultés
et de complications aux intersections de rues appartenant à des catégories
différentes. Le nouveau règlement impose un zonage par îlot. Il a donc
fallu modifier le principe même du zonage et Il devenait impossible de
conserver intégralement le précédent zonage. Le nouveau plan s'est cependant
efforcé dans la mesure du possible de limiter les changements de catégories.
L'ancienne 4e catégorie comprenait l'ensemble des zones commerciales.
Sa superficie dépasse nettement les besoins du Vésinet en surfaces à affecter
au commerce. Il en résulte que le commerce s'est cantonné en fait à certaines
parties de ces îlots et que, là où la construction collective n'a pas
chassé les habitations individuelles, il est resté des zones pavillonnaires
avec des espaces boisés.
Cet état de fait a conduit, pour répondre aux voeux des habitants de
ces zones préservées, à répartir l'ancienne 4e catégorie en trois sous-secteurs:
le sous-secteur dense
le sous-secteur de transition
le sous-secteur d'habitations basses
avec jardins
Bien entendu, le commerce reste autorisé dans
ces trois sous-secteurs, En résumé le présent projet de Règlement a été établi
avec un double sens parfois contradictoire.
— celui de conserver, autant que possible, à la demande de l'Administration,
les dispositions du Règlement-Type,
— celui de respecter, pour répondre aux voeux de la population,
les intentions exprimées ou tacites du Fondateur du Vésinet. Ses rédacteurs
espèrent qu'il sera bien accueilli par l'Administration et seraient heureux
d'avoir pu, ainsi, contribuer à sauvegarder un site de la Région Parisienne
qui mérite que soient un peu bousculées, s'il le faut, quelques habitudes
pour que soit maintenue une oeuvre qui continue à être citée comme un
modèle d'urbanisme.[4]
_______
Notes:
[1] Le règlement du Vésinet
(projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension de la Commune),
déclaré d'utilité publique par Décret du 29 juillet 1937, avait été mis
en révision par arrêté du Commissaire à la Construction et à l'Urbanisme
pour la Région Parisienne, en date du 7 juin 1962 (Journal Officiel
du 3 juillet 1962). Cette décision était justifiée, car le règlement
de 1937 n'avait pas prévu le développement de la construction survenu
depuis la dernière guerre, en corollaire de l'expansion de la Région
Parisienne et de l'accroissement de sa population. L'usage l'avait
révélé insuffisant, bien qu'à son époque il ait été un modèle du genre.
[2] Un nouveau texte approuvé par
le Conseil Municipal (délibération du 29 juin 1966) fut transmis à la
Direction Départementale de la Construction. Il fit l'objet d'un contre-projet
de l'Administration calqué sur le règlement-type du Ministère. La Commission
Municipale d'Urbanisme, aidée par les représentations des Associations
locales les plus intéressées au problème — Syndicat d'Initiative, Association
de Sauvegarde, Syndicat des Propriétaires — se remit au travail. Un
nouveau texte fut proposé, assez voisin du premier, et un Plan d'Urbanisme
fut établi. Il respectait intégralement les trois premières catégories
du plan de 1937. Il introduisait dans la quatrième catégorie un sous-secteur
d'habitations basses avec jardins pour préserver les îlots où prédominaient
encore les arbres et les habitations individuelles. Ces documents,
approuvés par le Conseil Municipal (délibération du 13 janvier 1967)
furent transmis à nouveau à Versailles. Mais la Direction Départementale
maintint son point de vue : le nouveau règlement devait procéder directement
du règlement-type, ce qui était incompatible avec le maintien de certaines
règles auxquelles le Vésinet devait son caractère particulier.
[3] La Commission a longuement
hésité à abandonner cette classification traditionnelle, car cela entraînait
inéluctablement des changements de classification pour un certain nombre
de propriétés. Mais l'Administration a été intraitable. L'Architecte
Urbaniste lié par contrat avec la Ville, a donc établi un nouveau plan
dans lequel on a cherché à modifier le moins possible la classification
des propriétés des trois premières catégories, tout en évitant, malgré tout,
de présenter un plan trop morcelé et trop compliqué. Quant à la quatrième
catégorie, sur les suggestions de l'Administration, elle a été divisée
en trois sous-secteurs afin de serrer de plus près la situation réelle
des îlots.
[4] Adopté par le Conseil
Municipal (délibération du 7 avril
1970), ce Plan d'Urbanisme sera finalement approuvé par le Préfet
des Yvelines le 8 Juillet 1970. On peut noter que le Conseil municipal
avait obtenu durant cette année 1970 un autre succès important: l'inscription
sur l’Inventaire des Sites pittoresques du Département des Yvelines
del’ensemble du secteur résidentiel d’habitations individuelles de
la commune. (Arrêté du
10 juillet 1970)
Société d'Histoire du
Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org