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La Villa «  Les Rives  » au Vésinet
A l'angle des  actuelles allée d'Isly et avenue Georges-Clemenceau, la villa aurait été construite pour Henri-Gustave Derignières et son épouse, Pélagie-Flavie Guiot dans les premières années de la colonie du Vésinet puis, en 1870, aurait été acquise aux enchères par le joailler Antoine-Ferdinand Labouriau et Emélie-Catherine Bowes, son épouse.  [1] En voici la description  :
Une propriété de campagne située au Parc du Vésinet, commune de Chatou, arrondissement de Versailles, avenue Centrale, rive gauche, n°59 ancien et 63 nouveau  Cette propriété d'une contenance de quinze mille huit cent soixante-quinze mètres environ, consiste en :
- 1° Une maison d'habitation couverte en ardoises et élevée sur caves voûtées et sous-sol, d'un rez-de-chaussée auquel on accède par deux perrons et d'un premier étage au-dessus 
- 2° Une maison de jardinier élevée sur caves et terre-plein d'un rez-de-chaussée avec grenier au-dessus et réservoir à côté 
- 3° Grand jardin dessiné à l'anglaise avec pelouses, coulées, massifs, bassin, ruisseau, rochers, jet d'eau, salle à manger rustique, kiosques et bosquets 
-4° Deux potagers, un verger avec parc à la suite, basse-cour avec bâtiment rustique et grande cour carrée avec hangar Le tout limité par des pelouses, les avenues du Parc du Vésinet et une rivière anglaise qui l'isolent entièrement. [2]
La villa vers 1900
L'acte précise qu'il existe des servitudes communes à toutes les propriétés provenant de la société Pallu et Compagnie, " notamment à la concussion d'eau, aux clôtures, etc." En 1894, Monsieur Jules-Aimé Tardiveau, en devient le propriétaire moyennant la somme de 76  000  frs. En voici la description qui n'a guère changé mais apporte toutefois quelques précisions sur la villa elle-même  :
... Une maison d'habitation couverte en ardoises et élevée sur caves voûtées et sous-sol, d'un rez-de-chaussée auquel on accède par deux perrons et d'un premier étage au-dessus. Le sous-sol comprend salle de bain, buanderie, cuisine, escalier de service et calorifère chauffant toute la maison. Le rez-de-chaussée se compose d'un vestibule, d'un grand salon, d'une grande salle a manger, de deux chambres a coucher avec cabinets de toilette, couloir et dégagements, cuisine, office, cabinets a l'anglaise et escalier. Le premier étage consiste en vestibule, salle de billard, trois chambres de maitre avec cabinets de toilette, chambres de domestiques, couloir, dégagements et cabinets a l'anglaise.
- 2° Maison de jardinier élevée sur caves et terre-plein et comprenant trois pièces et un cabinet à l'anglaise au rez-de-chaussée avec grenier au-dessus, réservoir à côté.
- 3° Grand jardin dessiné à l'anglaise, avec pelouses, coulées, massifs, bassin, ruisseau, rochers, jet d'eau, salle à manger rustique, kiosque et bosquets. -4°  Deux potagers, un verger avec parc à  la suite, basse-cour avec bâtiment rustique et grande cour carrée avec hangar. Le tout limité par des pelouses, les avenues du parc du Vésinet et une rivière anglaise qui l'isolent entièrement. Ainsi que cette propriété se poursuit et comporte sans aucune exception ni reserve, avec toutes ses circonstances et dépendances, et les immeubles par destination qui s'y trouvent. [3]
M. Tardiveau, le nouveau propriétaire commande à Louis Gilbert, architecte au Vésinet, une grille en fer forgé qui existe encore. C'est une grille de style Louis XV qui mesure 6,20 m de largeur, y compris les guichets, et 3,80 m de hauteur. Elle a été exécutée par M. Carrier, ferronnier au Vésinet  :
Elle se distingue par la sobriété de la composition, par le goût et l'à-propos de l'ornementation que l'ouvrier a pu traiter sans être gêné dans son travail. Dans le plan de la grille, les volutes, qui forment un triple enroulement, sont d'une assez grande difficulté d'exécution pour les obtenir dans du fer carré de 0,025 qui leur donne un fort volume. Les coins d'angle qui fortifient l'encadrement du remplissage sont soudés. L'ornementation est en tôle repoussée au marteau. Ces dispositions prouvent que le constructeur a désiré, avant tout, faire un travail suivant les règles du métier. Nous avons pu juger par nous-même cette oeuvre qui fait le plus grand honneur à son auteur, lequel n'a rien négligé pour arriver à cet heureux résultat.  [4]
Grille en fer forgé pour M. Tardiveau (1896)
C'est à cette époque qu'un nom «  Les Belles Rives » puis «  Les Rives »apparaît pour désigner cette propriété.
En 1907, elle  est mise en adjudication par les héritiers de Jules-Aimé Tardiveau. Elle est proposée en plusieurs lots  : La villa est ses dépendances sur un lot de près d'un hectare, le grand parc à l'anglaise et le potagé adjacent étant amputés de quelque 5000 m² divisés en deux autres lots.  [5]
Premier lot (mise à prix : 100 000  frs) Dix mille deux cent trente mètres à prendre dans la " propriété des Rives" située dans le Parc du Vesinet, commune du Vésinet, canton de Saint-Germain-en-Laye, arrondissement de Versailles (Seine-et-Oise), avenue Centrale, numéros 61 et 63, rive gauche.
Cette propriété est d'une contenance de quinze mille neuf cent soixante-dix mètres environ et est limitée par des pelouses, une rivière anglaise, la rue d'Alsace-Lorraine, l'avenue Centrale et l'allée de L'Isly qui l'isolent entièrement.
Les dix mille deux cent trente mètres sont à prendre dans la partie de la propriété située entre l'avenue Centrale, l'allée de l'Isly, la rivière anglaise et le deuxième lot duquel le premier lot est séparé par une ligne droite tirée de l'avenue Centrale à la rivière anglaise.
Le premier lot consiste en:
1° Une maison d'habitation couverte en ardoises et élevée sur caves voûtées et sous-sol, d'un re-de-chaussée auquel on accede par deux perrons, d'un premier étage et d'un grenier au-dessus, eau, gaz, calorifère. Le sous-sol comprend cuisine, service, quatre caves, salle de bain.
Le rez-de-chaussée se compose d'un vestibule, salon, petit salon, salle à manger, salle de billard, lingerie, office, water-closet. Le premier étage consiste en six chambres de maitres avec cabinets de toilette, water-closet.
2° Communs isolés avec entrée particulière: avenue Centrale, n° 63, comprenant trois chambres de maitres, logement de concierge-jardinier, logement de cocher, chambres de domestiques, écuries pour trois chevaux, remises pour deux voitures, sellerie, cour couverte vitrée, deux chenils, poulailler, lapinière, etc.
3° Deux serres.
4° Lawn tennis en ciment.
5° Parc à l'anglaise avec pelouses, arbres rares, massifs, coulées, ruisseau, bassin, rochers, jet d'eau, pompe et une partie du potager, etc.
Dans ce lot sont compris tous les meubles, objets mobiliers et ustensiles de jardinage garnissant la maison et le jardin compris dans ce lot que l'adjudicataire aura la faculté de conserver, moyennant en sus de son prix, le paiement d'une somme de dix mille francs, à charge par lui de faire connaître sa décision dans un délai de huit jours à compter du jour ou l'adjudication sera devenue definitive.
Deuxième lot (mise à prix  : 20  000 frs) Deux mille huit cent onze mètres cinquante centièmes à prendre dans ladite propriété entre le premier lot et le troisième lot et entre l'avenue Centrale et la rivière anglaise. Ce lot consiste en partie du potager et du parc à l'anglaise, avec l'embarcadère sur la rivière anglaise et cabine.
Troisième lot (mise à prix  : 20  000 frs)
Deux mille neuf cent vingt-huit mètres cinquante centièmes à prendre dans le surplus de la propriété à la suite du deuxième lot, dans la partie située entre la rivière, la rue d'Alsace-Lorraine, l'avenue Centrale et le deuxième lot. Ce lot consiste en partie du potager et du parc à l'anglaise avec entrée à l'angle de la rue d'Alsace-Lorraine et de l'avenue Centrale.
Ainsi que lesdits immeubles s'étendent, se poursuivent et composent avec toutes leurs circonstances et dépendances, sans aucune exception ni réserve.
La propriété ne sera cependant pas fractionnée et sera de nouveau mise en vente en 1917 dans son intégralité, avec de nouvelles dépendances, sous le nom de Villa les Rives une des annonces étant titrée Villa les Rêves, probablement par erreur. [6]
La villa Les Rives Le Vésinet (3 façades) sur les pelouses, Allées d'Isly, Avenue d'Alsace-Lorraine et Avenue Centrale où elle porte, sur cette dernière avenue, les n°61, 63, 65, à 3 minutes de la gare du Vésinet. Grande grille forgée. Cour d'honneur.
Rez-de-chaussée  : vestibule, salon, petit salon, salle de billard, salle à manger, lingerie, office, w.-c.
1er étage  : chambres de maîtres, toilette avec eau chaude et eau froide dans toutes les chambres, salle de bains, douches, w.-c.
2e étage  : 5 chambres de domestiques, grenier, w.-c.
Sous-sol  : cuisine, buanderie, 4 caves, salle de bains pour domestiques.
Eau et gaz, chauffage central, électricité dans toutes les pièces de la Villa. Téléphone. Paddock. Tennis.
Dépendances de style normand avec entrées particulières, se composant de Maison de jardinier, Conciergerie ayant cuisine, salle à manger, 3 chambres, caves, w.-c. Écurie de 5 chevaux. Remises pour voitures et Garage d'autos. Deux selleries. Cour couverte vitrée, Quatre chenils. Poulailler. Lapinière. Au-dessus: 3 chambres de maîtres. 5 chambres de domestiques, électricité, w.-c. Potagers, deux serres, atelier de jardinier. Fosses, resserre.
Grand parc planté de superbes arbres. Magnifique pelouse. Allée de marronniers et d'arbres verts. Bassin. Rivière anglaise.
–  Surface totale le tout entouré de murs 16.000 m² environ, soit plus d'un hectare et demi. Plans, descriptions complètes et photographies seront envoyées sur demande adressée à M.Théo, 3, rue Taitbout, Paris.
Pour visiter, s'adresser au Gardien, 63, Avenue Centrale, Le Vésinet (Seine-et-Oise). A une demi-heure de Paris par la gare Saint-Lazare.
Au Vésinet, la Villa que l'on désigne sous le nom de Château des Tourelles, est surtout connue pour avoir été durant un quart de siècle la résidence d'été de Jeanne Aubert, artiste lyrique très en vogue entre les deux guerres. Son mari, un richissime industriel américain, Nelson Morris avait acheté pour eux ce superbe nid d'amour. Mais le mariage ne dura pas. Après un tumultueux divorce qui fit la joie de la presse people de l'époque, marqué par de nombreux procès entre 1930 et 1933, la chanteuse conserva la maison jusque dans les années 50.
Mais l'immense propriété de plus d'un hectare et demi à l'origine, regroupant les lots 49 à 55 de l'ilôt 9 de l'adjudication initiale, a été plusieurs fois morcelée et des villas ont été édifiées sur les neuf parcelles qui existent aujourd'hui. La villa elle-même, à l'angle de l'allée d'Isly et de l'avenue Georges-Clemenceau, une des plus belles maisons de la ville, figure sur la liste des demeures remarquables, à protéger  : " Maison, communs, clôture, bâtis vers 1870. Demeure recouverte d'enduit de plan carré cantonnée au niveau de la couverture de 4 toits en pavillon. Décor stucqué très soigné" . AP 140.
La villa de nos jours
Notes  :
[1] M et Mme Derignères possédaient aussi des terrains le long de la route de Croissy. Ils furent acquis à la même vente par M. Charles-Frédéric Bapst, propriétaire, demeurant à Paris, rue Neuve-Saint-Augustin, n°17. Il s'agit de : - 1° Un terrain d'une superficie de trois mille cinquante-deux mètres quatre-vingt-neuf centimètres, sis au Vésinet, ayant une facade de quarante-trois mètres soixante centimètres environ, sur la route de Croissy, limité à gauche par les pelouses sur lesquelles il a vue, au fond par la rivière de la Compagnie, à droite par le lot suivant. Ce terrain est planté d'arbres. La petite île sur la rivière fait partie du présent lot il est clos de treillages sur les pelouses et routes Moyennant, outre les charges, le prix principal de douze mille deux cent francs. - 2° Un terrain d'une superficie de trois mille trois cent cinquante mètres trente-cinq centimètres, sis audit Vésinet avec facade de cinquante mètres environ sur la route de Croissy et le boulevard de la Ceinture, rive gauche, et limité à gauche par le lot précédant et a droite par un autre lot, au fond par la rivière il est planté d'arbres verts et clos sur la route par un treillage Moyennant, ouire les charges, le prix principal de dix mille francs. 
[2]  Archives de Me Ducrocq, avoué à Versailles, place Hoche, n°8.
[3] Purges légales, 1894. Etude de Me Manuel, avoué à Versailles, rue Saint-Pierre, n°17. et Le Courrier de Versailles, 15 février 1894.
[4] L'Art de la ferronnerie ancienne et moderne, 1896 (Tome 1).
[5] Le Courrier de Versailles 21 juin 1907 et Etude de Me de Cagny, avoué à  Paris, rue de Rome, n°11.
[6] Une villa portant le nom Le Rêve existait à la même époque au 3, route de la Cascade.
Société d'Histoire du Vésinet,
2012- histoire-vesinet.org