L'Avenir de St Germain, 1888-1892

L'Election municipale de 1892

En 1886, un long procès opposant la Ville du Vésinet à quelques propriétaires au sujet de l'entretien des routes, avait révélé une scission entre les résidents permanents et les villégiateurs. Les premiers, représentés par le Maire, Aimé Foucault, souhaitaient un entretien plus actif de la voirie, ce qui supposait une augmentation des impôts. Les seconds, défendus par Alphonse Ledru, exigeaient que l'on s'en tienne aux contributions forfaitaires imposées par le Cahier des Charges de 1863. Ils étaient aussi les principaux contribuables. Le jugement, confirmé en appel, puis l'élection municipale de 1888 [1] avaient donné raison aux seconds, créant ou illustrant à l'occasion une rupture au sein des "républicains"; les plus "radicaux" défendant ceux qu'ils considéraient comme "les vrais citoyens du Vésinet" tandis que d'autres, dits "opportunistes" se voyaient reprocher des alliances de circonstance avec les "cléricaux", les orléanistes, les bonapartistes et autres "réactionnaires".
Pour faire valoir l'action de leurs nouveaux élus majoritaires de 1888, des hommes d'influence (assimilés plus tard au Boulangisme) avaient ressuscité la Gazette du Vésinet, un journal créé une première fois en 1868 pour soutenir le projet de l'érection du Vésinet en commune, mais qui n'avait vécu que le temps de quelques numéros. Les radicaux de l'opposition, par l'intermédiaire de l'Avenir de St-Germain, journal "républicain, radical et indépendant" qui leur ouvrait généreusement ses colonnes, leur livrait un combat sans merci, par articles et chroniques interposés, sur un ton qui ne déparerait pas dans les blogs du XXIe siècle.
Etienne Pallu, jugé plus proche de l'opposition municipale que de la majorité, fit l'objet d'attaques incessantes de la Gazette à propos des prestations de sa Compagnie (qualité de l'eau, entretien des lacs et des rivières, etc.) [2]. Il aura tout de même la satisfaction de recevoir la légion d'honneur (novembre 1889) ... pour ses carrières d'onyx, en Algérie.
Les Sociétés sportives (l'Espérance), musicales (la Concorde, La Fraternelle) ou de bienfaisance (La Prévoyance), souvent animées par des partisans de l'opposition, furent aussi l'objet d'attaques répétées dans la Gazette, tant sur leur gestion que sur leur fonctionnement ou leur utilité, parfois accusées de compter trop de participants (musiciens, sportifs), étrangers à la commune.

Même si les numéros de l'Avenir de St-Germain sont aujourd'hui plus accessibles que ceux de la Gazette du Vésinet, les exemplaires de celle-ci qui nous sont parvenus rétablissent l'équilibre dans ces échanges à fleuret de moins en moins moucheté, auxquels la Liberté de Seine & Oise, apportait épisodiquement son grain de sel. N'étant pas toujours fiers de leur prose, les auteurs des chroniques (les plus lus !) se cachent (déjà) sous des pseudonymes qui font l'objet d'interminables supputations. [3]

L'annonce de la candidature d'A. Ledru à l'élection législative sous l'étiquette de l'Union républicaine relança l'affrontement qui se poursuivra jusqu'à l'élection de 1892. Alphonse Ledru avait tenté à plusieurs reprises de conquérir un siège à l'assemblée. La première fois, en 1881 pour le siège laissé vacant par le décès d'Albert Joly. Il était alors "républicain". Ses tentatives suivantes, comme "opportuniste", n'eurent pas plus de succès. [4]

A sa naissance, comme au soleil levant, l'astre de M. Ledru apparaissait à l'horizon rouge vermillon. C'était l'âge d'or. Il portait haut et ferme les revendications du parti républicain que l'on ne qualifiait pas encore de radical. Suppression du Sénat! Séparation des Églises et de l'Etat! Suppression du budget des cultes! Retour aux communes des églises, presbytères, etc., etc. Laïcité complète, etc., etc., etc. A ce moment on était disposé à combattre Journault et Frédéric Passy. Feray, Gilbert Boucher, Léon Say étaient des "orléanistes".
Puis en vieillissant on a flairé le vent. L'on a pensé que les atouts étaient dans la mains des députés sortants, et l'on est monté dans la barque des Maze, Journault et tutti quanti. Dire que l'on y fit bonne figure lorsqu'il fallut défendre le Tonkin que l'on avait autrefois combattu, serait manquer à la vérité, mais enfin l'on était encore avec des républicains, et l'on pouvait compter, rallier en cas de ballottage les voix radicales, voix républicaines celles-là! Ce fut l'âge d'argent.
Nous voici à l'âge de bronze. On a mis sa main dans la main de la réaction; on a quêté les voix bonapartistes, cléricales, orléanistes, les bulletins paraît-il, n'ont pas d'odeurs et l'on est monté à l'assaut, du radicalisme. On a renié les programmes que l'on avait signés. On a renié les amitiés d'antan. Pour arriver au pouvoir, on n'a reculé devant rien et l'on se hâte de tenter d'enlever un siège à la Chambre.

14 octobre 1888

A la veille du scrutin, Aimé Foucault, ancien maire, écarté en 1888 par la défection d'une partie de ses amis politiques, publie une lettre ouverte qui résume éloquemment la situation tendue des dernières années [5].

On combattait autrefois sur le terrains de principes. La lutte était engagée entre les réactionnaires et les partisans du Progrès, entre les Républicains et les Monarchistes de toutes nuances. On était pour ou contre la République. Nous luttions pour le triomphe des idées démocratiques. Notre programme politique, rédigé par M. Alphonse Ledru, comportait la séparation des Eglises et de l'Etat, l'instruction laïque gratuite et obligatoire, le service militaire égal pour tous et bien d'autres réformes qu'il me paraît inutile de rappeler ici. Nos adversaires nous qualifiaient de politiciens et voulaient circonscrire le débat à l'étude des questions administratives et d'intérét local qui, selon eux, devaient être seules résolues par les assemblées communales. Que ce temps est loin de nous et combien les événements qui se sont succédés dans notre commune ont rapetissé un débat qui, laissant de côté les personnalités, avait un mobile moral et élevé!
Nous en sommes réduit aujourd'hui, laissant pour ainsi dire de côté les questions politiques sociales et administratives, qui seules devraient nous occuper à combattre pour la liberté individuelle, pour la liberté d'association, pour la liberté communale, pour la liberté de l'existence. Pour en arriver là, il a suffit qu'un politicien, déçu dans son ambition électorale, devint l'instrument des réactionnaires, l'esclave des cléricaux, le prisonnier de quelques appétits qui ne voient dans les fonctions publiques que le moyen de satisfaire leurs intérêts privés. Voilà où nous en sommes. Par esprit de coterie, on soutient les actes les plus répréhensibles; on tolère la violation des lois et des règlements; que dis-je, on l'encourage et on l'applaudit. Les bons citoyens sont ceux qui dilapident les deniers communaux, qui persécutent leurs adversaires, qui portent atteinte à leur liberté; les mauvais esprits sont ceux qui signalent les abus, les combattent et tentent de faire respecter les lois et les règlements de police. A ces gêneurs, il faut fermer la bouche; il faut s'en débarrasser à tout prix.
Eh bien, non! Ils ne se laissent pas faire, moi, tout le premier.
La Liberté de Seine-et-Oise ose dire que j'ai, dans un intérêt électoral, parlé de désarmer. Non. Tant que je verrai à la tête des ennemis de la République un Renégat du Parti Radical, tant que je verrai l'Administration de la commune, la surveillance des propriétés, la sauvegarde des personnes, le service de la police entre les mains de fonctionnaires qui n'ont pas honte de faire travailler pour leur compte personnel les salariés de la commune, de monter des cabales contre leurs administrés, de violer les règlements de police qu'ils sont chargés de faire respecter, je ne désarmerai pas.
Si nos concitoyens me donnent le pouvoir de lutter contre ces agissements qui ne sont pas du domaine de la politique mais du domaine de la probité, comme Conseiller municipal mon concours leur est acquis comme par le passé.
Si le travail auquel la majorité s'est livrée au moment de la révision des listes électorales pour faire élire le Conseil municipal par des électeurs complètement étrangers à la commune, fausse la sincérité du scrutin, je ne désarmerai pas davantage. Par la plume et par la parole je continuerai de lutter contre les intrigants, contre les dilapidateurs des deniers publics, contre les quémandeurs de décorations, contre les ennemis de toutes nos libertés, contre tous les ennemis de la République !

28 Avril 1892

  • Le premier tour de scrutin

Le premier tour de l'élection du 1er mai 1892, donnait une nette avance au Parti de l'Union républicaine qui pouvait s'enorgueillir de 16 élus sur les 23 postes à pourvoir.
Dans l'appel qu'il adressa à ses électeurs, le 6 mai suivant, le Comité de Concentration Républicaine dénonçait le vote du 1er Mai comme "un vote de surprise", les élus ne devant leur majorité qu'aux voix de citoyens étrangers au Vésinet et qui n'avaient été inscrits sur les listes électorales qu'en vue des élections municipales, "des bourgeois exotiques et leurs domestiques inscrits sans droit et votant sans contrôle" ou encore "un bataillon d'électeurs volants, qui arrive, qui débarque dans la commune les jours d'élection, va déposer dans l'urne le bon bulletin, et repart par le train suivant, sans savoir ni pour qui ni contre qui il a voté."
L'analyse d'Hippolyte Chameroy est la même, mais il se veut optimiste pour le second tour: "La population si laborieuse, si calme, si digne du Vésinet a nettement affirmé ses opinions républicaines en donnant 377 voix à la liste de concentration
[les radicaux]; elle n'oubliera pas que nos adversaires politiques doivent uniquement leur majorité aux électeurs étrangers à la commune et qui n'ont été inscrits sur les listes électorales que pour les besoins de la cause". [6]

Résultats complets du premier tour de scrutin, 1er mai 1892 [6]

Candidats

Voix

 

Candidats (suite)

Voix

Sérée (union républicaine) [*]

425 (élu)

 

Grut (union républicaine)

351

Deloison (union républicaine) [*]

423 (élu)

 

Souchey (union républicaine)

351

Dufresne (union républicaine) [*]

420 (élu)

 

Labeyrie (union républicaine)

350

Mimerel (union républicaine)

419 (élu)

 

Carville (républicains radicaux) [*]

349

Ledru (union républicaine) [*]

412 (élu)

 

Leclerc (républicains radicaux)

345

Buret (union républicaine) [*]

408 (élu)

 

David (républicains radicaux) [*]

342

Trilhe (union républicaine)

404 (élu)

 

Tillard (républicains radicaux)

341

Gaumard (union républicaine)

402 (élu)

 

Soulette (républicains radicaux)

337

Maison (union républicaine) [*]

398 (élu)

 

Peyramale (républicains radicaux)

331

Gilbert (union républicaine) [*]

397 (élu)

 

Deglaire (républicains radicaux)

330

Bivort (union républicaine) [*]

397 (élu)

 

Huiler (républicains radicaux)

330

Grolleau (union républicaine)

396 (élu)

 

Angély (républicains radicaux)

326

Drevet (union républicaine)

386 (élu)

 

De Ricaudy (républicains radicaux)

326

De Casteran (union républicaine)

385 (élu)

 

Tirot (républicains radicaux)

325

Finaly (union républicaine)

385 (élu)

 

Moreau (républicains radicaux)

322

Lachèvre (union républicaine) [*]

381 (élu)

 

Bonnefond (républicains radicaux)

318

Caron (républicains radicaux) [*]

377

 

Fétou (républicains radicaux)

318

Lavezzari (union républicaine)

375

 

Bardeau (républicains radicaux)

315

Chameroy (républicains radicaux) [*]

370

 

Bellicard (républicains radicaux)

315

Dastouet (union républicaine

368

 

Cappe (union républicaine) [*]

312

Foucault (républicains radicaux) [*]

367

 

Fourchette (républicains radicaux)

311

Lehec (union républicaine) [*]

358

 

Careau (républicains radicaux)

298

Sarazin (républicains radicaux) [*]

353

 

Gassien (républicains radicaux)

297

[*] Candidats sortant;

  • La réunion publique du 6 mai 1892.

Grisés par leur succès relatif du 1er Mai, nous dit l'Avenir, les amis de M. Ledru avaient organisé cette nouvelle réunion; la convocation par affiches portait la signature de M. Lavezzari, le gendre de M. Montès, grand publiciste. A huit heures et demie précises, tout le monde était à son poste.
Le bureau est constitué de M. Tillard, président, "demandé et acclamé par les deux côtés de la salle, ce qui dispense de faire son éloge".
MM. Drevet et Lachèvre, assesseurs, M. Lafont, secrétaire.

Les Orateurs
M. Lavezzari, vient dire que porté sur la liste de la municipalité, il espère que les électeurs ne voudront pas le séparer de ses amis et, qu'en conséquence, ils le nommeront le 8 mai; il ajoute que depuis environ deux ans qu'il habite la commune, où il a eu le bonheur de se marier, il fera tout son possible pour être utile à ses concitoyens.
M. Deloison
[président du Syndicat des Propriétaires] vient adjurer les électeurs de lui "mettre l'ivresse dans l'âme en ne le séparant pas de la queue de sa liste"; il veut, à toute force, un Conseil homogène. Là est le salut. Il trouve des accents pathétiques pour soutenir sa cause [...] et descend de la tribune après "quelques trémolos bien sentis".
M. Soulette de Lesbat, à propos d'un manifeste qu'il a fait paraitre en dernière heure au premier tour de scrutin, vient défendre son œuvre et maintient que parmi les 16 déjà élus il se trouve bon nombre de réactionnaires nommés "non pas par la population réelle du Vésinet, mais par un grand nombre d'électeurs habitant Paris et recrutés pour la circonstance"; on a organisé, dit-il, un véritable train spécial "dans lequel maîtres et valets avaient pris place. C'est une véritable coalition des cléricaux et des républicains à l'eau de rose". A chaque moment interrompu, il parvient néanmoins à "cingler cette majorité d'occasion qui se cabre à chaque articulation."
M. Carville, à son tour à la tribune, en quelques mots sanglants vient traiter comme il convient l'individu qui a écrit dans la Liberté de Seine-et-Oise, une insinuation concernant son fils qu'il croit visé; il prétend que le lâche se trouve dans la salle et le somme de se découvrir. Personne ne bouge.
M. Chameroy, non moins indigné, lui succède et proteste de la même façon véhémente. Même silence.
M. Ledru, vient appuyer M. Deloison et supplie les électeurs de "lui donner la force morale nécessaire pour administrer", car dans ses paroles il n'a pas l'air de douter un seul instant qu'il sera au gouvernail; il retrace le rôle néfaste des hommes qui lui sont opposés et, allant un peu plus loin que sa pensée, il lance une attaque contre M. Foucault qui lui donne publiquement un démenti brutal et formel. Un instant démonté, il dit tenir le propos d'Albert Joly dont le témoignage est difficile à recueillir, ce dernier étant mort depuis longtemps. Il continue en faisant son éloge, celui de ses lieutenants, de sa majorité, et fait un "enterrement de 1ère classe' à son ami ami Cappe [premier adjoint sortant] qui, conformément à sa prophétie de la réunion précédente, a été jugé par le suffrage universel et lui donne le coup de grâce
[le coup du lapin, suggère l'Avenir] en avouant qu'il a eu tort de ne pas poursuivre ses détracteurs. Il termine enfin en assurant l'auditoire de son esprit de conciliation, de sa sollicitude pour tous leurs intérêts et promet de "crever les vessies de fiel et débile qu'il portait jusqu'à ce jour dans son coeur et dans son ventre".
M. Foucault escalade la tribune, s'inscrit en faux contre l'accusation de M. Ledru à propos de l'incident Pallu et propose de faire faire une enquête sur ce fait par deux amis de son adversaire. "M. Ledru ne possède pas assez de sang-froid et se laisse emballer bien légèrement par la vue seule de ses contradicteurs. On ne rapporte pas à la tribune des racontars, des propos de concierge indignes de la bouche d'un Maire et d'un homme de la trempe de celui en cause" jugera la presse dans les jours suivants.
Laissant de côté ce point, M. Foucault dénonce le rôle de la municipalité pendant les quatre années qui viennent de s'écouler, rôle plein d'acrimonie, de exations, de tracasseries, de passe-droits; il cite trois exemples typiques: ceux de MM. Cappe, Dufresne, Buret, deux adjoints et un conseiller qui enfreignent les règlements, eux, spécialement chargés de les faire observer; il descend de la tribune en faisant un appel au bon sens des électeurs qui sauront faire justice de ces agissements.
M. Grandfils
[conseiller sortant] vient, en quelques mots empreints d'un rare bon sens, constater que, pendant la période électorale et notamment dans les réunions, on a soulevé trop de questions personnelles; il conteste à la liste Ledru, la qualité républicaine, prétend que le titre de républicain est très bien porté aujourd'hui et que, sous cette étiquette, il en existe quelques-uns dans la liste du maire, beaucoup trop à son avis, qui auraient besoin de porter le poinçon du contrôle. Aussi, il espère bien que le Conseil municipal ne sera pas homogène et qu'on enverra, parmi eux, quelques "contrôleurs" dont le besoin, termine-t-il, se fait vivement sentir.
Enfin, M. Deglaire termine la séance en venant annoncer, qu'en effet, M. l'adjoint Dufresne, envoyait dans son eau potable "un tas de microbes à l'aide d'un puisard qu'il n'avait pas le droit d'établir, microbes qui menaçaient de compromettre sa santé et celle de tous les siens", et que pour faire cesser cette invasion, il allait intenter un procès au sus-nommé ou à la commune.
Après cette déclaration, la séance était levée et les électeurs se retiraient en paix.

  • Le second tour de scrutin

Hippolyte Chameroy se veut optimiste pour le second tour: "La population si laborieuse, si calme, si digne du Vésinet a nettement affirmé ses opinions républicaines en donnant 377 voix à la liste de concentration [les radicaux]; elle n'oubliera pas que nos adversaires politiques doivent uniquement leur majorité aux électeurs étrangers à la commune et qui n'ont été inscrits sur les listes électorales que pour les besoins de la cause". [6]
"Grâce à la révision des listes électorales à laquelle ils ont procédé au mois de Janvier, nos adversaires ont pu, dimanche dernier, faire élire 16 de leurs candidats. Pour les sept derniers sièges du Conseil municipal il y a ballottage. Les opportunistes et les réactionnaires coalisés, contre les vrais républicains de la commune, n'ont eu qu'une majorité de cinquante à soixante voix..."

Résultats complets du second tour de scrutin, 8 mai 1892 [7]

Candidats élus

Voix

 

Candidats battus

Voix

Caron, républicain

385

 

Carville, républicain

341

Chameroy, républicain

369

 

Dastouet, réactionnaire

339

Foucault, républicain

359

 

Souchay, réactionnaire

338

Tillard, républicain

353

 

Labeyrie, réactionnaire

335

Sarazin, républicain

348

 

Charnoz, réactionnaire

335

Soulette de Lesbat, républicain

345

 

Grut, réactionnaire

329

Lavezzari, réactionnaire [*]

345

 

Lehec, réactionnaire

328

[*] la liste ainsi rédigée parait dans l'Avenir de St-Germain, d'où l'emploi du terme "réactionnaire" pour qualifier les républicains de l'Union républicaine

Au soir du 8 mai, la tendance s'est inversée. La Concentration républicaine gagne 6 des 7 sièges restant à pourvoir.
Aussitôt, sous la plume d'Hippolyte Chameroy, L'Avenir expliquait cette victoire par le manque d'intéret pour la vie municipale des électeurs de leurs adversaires. "Eh bien ! La preuve est-elle assez faite. Les électeurs de Paris, inscrits sur nos listes électorales uniquement en vue de donner leurs suffrages aux réactionnaires cléricaux qui étaient allés les solliciter à domicile, n'ayant pas jugé à propos de se déranger (une seconde fois) et de perdre trois heures pour élire des administrateurs de haute lignée comme MM. Grut, Souchay, Dastouet, Lehec ou Charnoz, ces Messieurs sont restés sur le carreau".
Leurs propres électeurs étant nécessairement "la population sédentaire du Vésinet, celle qui connait les candidats, celle qui voit à l'œuvre les uns et les autres, celle qui apprécie les services rendus par ceux qui agissent et ne parlent pas et qui ne se laisse pas prendre aux parades de ceux qui ne sont forts qu'en langue..."
Néanmoins, Alphonse Ledru disposait d'une confortable majorité au Conseil municipal. On notera le mauvais score d'Emile Cappe, 1er adjoint sortant, ne recueillant que 312 voix. Il avait été mis en cause par la presse dans les mois précédant l'élection pour avoir fait attribuer à son entreprise d'horticulture des marchés de la ville (entretien des espaces verts, fleurissements divers) ou encore "pour avoir employé le cantonnier-chef dans ses serres, puis à l'Exposition universelle, puis l'an dernier à l'Exposition de Saint-Germain, pendant les heures de travail qu'il devait à la commune". Son fils, Emmanuel, tenta de constituer un Syndicat de la Saint-Fiacre (syndicat de jardiniers, nombreux au Vésinet) pour en faire un groupe de soutien à A. Ledru. Mais le succès fut mitigé.

... les réactionnaires cléricaux ont pu faire passer 16 de leurs candidats, mais n'ont pu faire absoudre l'administration municipale, personnifiée par le 1er adjoint Emile Cappe, "que le verdict populaire a condamné à une écrasante majorité. Ils avaient fait appel au tribunal de l'opinion publique. Le tribunal a prononcé, la cause est jugée, paix au mort. Requiescat in pace et lux probitatis luceal ei! "
Son fils, Emmanuel, tenta de constituer un Syndicat de la Saint-Fiacre (syndicat de jardiniers, nombreux au Vésinet) pour en faire un groupe de soutien à A. Ledru, mais sans grand succès [8].

  • Conseil municipal. — Séance du dimanche 15 mai 1892.

Le Conseil, à 9 heures 1/4, est presque au complet. Seul M. Bivort qui s'est excusé, n'assiste pas à la séance.
Le Maire sortant installe le nouveau Conseil municipal, puis remet la présidence au doyen d'âge, le citoyen Tillard qui fait procéder à l'élection du Maire. M. Lavezzari est secrétaire.
Votants, 22. Ont obtenu : MM. Ledru, 15 voix, Mimerel, 7. M. Ledru est proclamé Maire. Il prend la présidence et l'on passe à l'élection du 1er adjoint.
Votants, 22. M. Drevet obtient 15 suffrages, MM. Trilhe 5, Mimerel 1, Serée 1. M. Drevet est nommé 1er adjoint et prend place sur l'estrade. Pour l'élection du 2e adjoint, M. Dufresne est maintenu à ce poste d'honneur par 15 voix contre 4 données à M. Tillard, 1 à M. Serée, 1 à M. Chameroy, 1 à M. Trilhe.
M. Dufresne ayant pris place sur l'estrade, M. le Maire remercie ceux qui l'ont nommé de la confiance qu'ils ont en lui, il s'en montrera digne en consacrant son temps aux intérêts du Vésinet, de la France et de la République. Sa tâche lui sera facilitée par le concours d'une majorité compacte. Il remercie les électeurs d'avoir nommé cette majorité, il les remercie également d'avoir nommé la minorité. Les minorités tiennent en éveil les majorités, elles assurent un contrôle utile aux intérêts de la commune (qu'est-ce qui nous disait donc qu'en réunion publique M. le Maire demandait un Conseil homogène). De l'homogéniété n'en faut plus ! Majorité comme minorité sont animées du même désir : être utiles aux intérêts de la commune, et M. le Maire espère que pendant quatre ans tout le monde fera son devoir. La majorité applaudit. Le public bien élevé s'abstient. Ceci dit, on se met à l'ouvrage par la nomination de plusieurs commissions. [9]

  • Conseil municipal. — Séance du vendredi 18 novembre 1892.

Sont présents tous les conseillers sauf M. Deloison qui s'est excusé. M. Ledru, maire démissionnaire, préside assisté de MM. Drevet et Dufresne également démissionnaires. M. Mimerel est nommé secrétaire.
[...]
Rien n'étant plus à l'ordre du jour la séance ordinaire est levée et l'on passe à la deuxième séance, comportant l'élection du Maire et de deux adjoints.
M. Ledru donne lecture de sa lettre de démission [10]
[il souhaite se consacrer davantage à son métier d'avocat].
Cette démission a été acceptée. MM. Drevet et Dufresne, adjoints, ont également résigné leurs fonctions et M. le Préfet a pris un arrêté appelant le Conseil à reconstituer la municipalité par la nomination d'un maire et de deux adjoints. M. Tillard, doyen d'âge du Conseil est invité à prendre la présidence; après avoir remercié la majorité qui l'a toujours soutenu, M. Ledru ajoute qu'il rentre dans le rang et reste conseiller municipal. Il est procédé au vote pour la nomination du maire. Le dépouillement du scrutin donne les résultats suivants.
Votants 22.
Ont obtenu: M. Drevet, 16 voix; M. Mimerel, 6 voix; en conséquence, M. le Président proclame M. Drevet, maire du Vésinet.
M. Drevet prend la présidence et l'on procède à l'élection du premier adjoint.
Votants 22.
Ont obtenu: MM. Trilhe, 14 voix; Sarazin, 5; Tillard, 1; Dufresne 1; il y a un bulletin blanc. M. Trihle est proclamé premier adjoint.
Le scrutin pour la nomination du deuxième adjoint donne les résultats suivants.
Votants 22. Ont obtenu: MM. Dufresne, 16 voix; Chameroy, 5; Soulette, 1; M. Dufresne est proclamé deuxième adjoint.
M. le Maire tire de sa poche son discours d'entrée en fonctions qui comporte les promesses et les remerciements d'usage, ainsi que des éloges bien sentis adressés à son ancien chef de file.
[...]
L'Avenir de St-Germain apporte en commentaire: "La nouvelle municipalité ne nous paraît pas être une administration de combat. M. Drevet, dans ses fonctions d'adjoint s'étant montré conciliant, il faut espérer qu'il conservera comme maire la même attitude. En ce qui concerne les deux adjoints, notre opinion est la même, ce sont gens de paix et nous sommes convaincus qu'ils ne chercheront pas à ennuyer leurs concitoyens. Nous attendons la nouvelle administration à l'œuvre pour la juger et pour ne pas faire peser sur elle les fautes lourdes de l'administration qui s'en va." [11]

Une période très agitée de la vie politique vésigondine s'achève. Charles Drevet, moins animé que ses prédecesseurs par une ambition politique locale ou nationale, homme de compromis, bon gestionnaire, sera réélu en 1896 puis en 1900.

    Sources:

    [1] Confirmé en appel, le jugement sera annulé par la cour de Cassation de Paris en 1891. Cela permettra aux protagonistes de la majorité et de l'opposition municipale, dont la situation s'est inversée entre temps, d'adopter la position exactement inverse de celle qu'ils défendaient à l'origiine.

    [2] Gazette du Vésinet, dimanche 30 décembre 1888, et suivantes.

    [3] L'Avenir de St-Germain, n°384, 11 novembre 1888.

    [4] Ibid., n°380, 14 octobre 1888.

    [6] Ibid. n°566, 8 mai 1892.

    [7] Ibid., n° 567, 15 mai 1892.

    [8] Ibid., 28 février 1892.

    [9] Ibid., n° 568, 22 mai 1892.

    [10] Il souhaitait se consacrer davantage à son métier d'avocat auquel il n'avait jamais renoncé. Il avait conservé durant tout son mandat de Maire, son domicile à Versailles, près du Palais de Justice, plutôt que sa maison du Vésinet, restée secondaire. Cette "absence" lui fut vivement reprochée.

    [11] L'Avenir de St-Germain, n°595, 27 novembre 1892.


Société d'Histoire du Vésinet, 2010 - www.histoire-vesinet.org