... Le Vésinet au Quotidien Chronique historique et anecdotique de la commune (1860 ~ 1985) La presse locale, Le Furet du Vésinet (1862-1863) et La Gazette du Vésinet (1888 puis 1901-1902) notamment, mais aussi l'Industriel de St-Germain, nous donne de précieuses informations sur certains aspects spécifiques de la vie quotidienne des Vésinétiens ou Vésinettois comme s'appelaient alors nos prédécesseurs. D'autres échos se trouvent dans des récits, des mémoires, des témoignages que nous nous efforçons de rassembler. Tout cela demeure toutefois très fragmentaire. Le début des années soixante, alors qu'il s'agissait de « lancer » Le Vésinet, était marqué par
les brillants concerts du dimanche après-midi auxquels assistaient
en grand nombre des auditeurs venus de Paris et des environs. Ainsi,
la fête de Sainte Cécile pouvait rassembler plusieurs centaines
de personnes. Il pouvait aussi s'agir de concerts
ou de bals de charité. Tous les mois de juillet, la fête locale dite « fête de la Marguerite » offrait à la population des réjouissances fort variées, tout d'abord à l'emplacement de l'actuelle mairie, puis, lors de la construction de celle-ci, sur la place de l'église. Cette fête patronale, qui se tint pour la première fois le 20 juillet 1862 fut aussi l'occasion de poser la première pierre de l'église qui deviendra Sainte-Marguerite. Elle sera consacrée le 2 juillet 1865. La création d'une nouvelle paroisse ne se fera pas sans difficultés. Le 29 août 1865, avec le concours de la puissante Société d'Horticulture de Saint-Germain, les jardiniers du Vésinet, conduits par le premier d'entre eux, Emile Cappe, célèbrent avec faste la Saint-Fiacre, patron des jardiniers. Le Syndicat professionnel des Jardiniers sera la première organisation professionnelle du Vésinet. Sur l'hippodrome, entré en
service en 1866, des courses eurent lieu tous les dimanches, jusque
vers 1892. Il n'était pas rare de voir trois mille spectateurs
(parmi lesquels le peintre Edgar Degas) assister aux courses de plat ou d'obstacle sur la piste du tour
du Grand Lac. Pourtant, la presse locale n'était pas tendre avec
cette « sorte d'hippodrome en chambre, où l'on peut faire à peu
près ce que l'on veut. Au besoin il serait possible de le couvrir
et de le convertir en une sorte de " skatingrink" des
courses, sauf les patins à roulettes dont les chevaux s'accommoderaient
mal.» Quant aux spectateurs, « ils ressemblaient un peu à des Lapons en voyage, ou à un convoi
de prisonniers en partance pour la Sibérie. La piste offrait l'aspect
assez pittoresque d'un tableau de Diaz très bien réussi » (§ L'Illustration, 1875). L'hiver, les patineurs évoluaient sur les lacs gelés. Les souscripteurs, contre une cotisation de 5 frs, pouvaient patiner sur les emplacements réservés et entretenus, et cela pour toute la saison. Pour 20 frs, ils pouvaient même assister aux splendides fêtes de nuit. En 1869, on vit des traîneaux sur le Lac Supérieur. Quelques accidents furent à déporer. En septembre 1870, l'avance des troupes prussiennes approchant de Paris, fit fuir les villégiateurs avant la fin de la saison. « Les Parisiens qui avaient habité la campagne durant l'été, s'empressaient de rentrer, non parce que la saison était trop avancée – le temps était splendide et présageait un merveilleux automne, — mais parce que les nouvelles augmentaient en gravité. Les Prussiens s'avançaient sur Paris, qui allait être assiégé, et l'on croyait trouver un sûr abri dans la ville, dont les forts et l'enceinte inspiraient la confiance. » Il paraissait impossible que la capitale put être sérieusement investie. Sous ses murs, pensait-on, les Allemands trouveraient leur tombeau. Mais à tout prendre, et quoiqu'il dût arriver, on préférait rentrer dans Paris que rester dans la zone de la petite banlieue, exposé à tous les hasards de la guerre : canonnade des assiégés et des assiégeants, réquisitions sans compter le risque de mourir de faim dans un pays abandonné, désert. Mais la vie quotidienne, c'était
aussi les soins apportés aux jardins et aux
arbres, la défense contre les méfaits des taupes, la lutte tantôt
contre les hannetons, tantôt contre les chenilles. Une circulaire
du maire du 7 décembre 1876 invite les habitants à faire procéder à la destruction des nids de chenilles dans leurs
propriétés. Le délai de rigueur est fixé au 20 février 1877. Jusqu'en 1866, le courrier du Vésinet était acheminé par le bureau de poste de Chatou, ouvert au XVIIe
siècle. Le Vésinet possédait une " boîte urbaine" relevée
par le facteur de Chatou au cours de sa tournée. Le Bureau de Poste du Vésinet fut créé le 1er décembre 1866. Il était situé route
Sainte-Marguerite, devenue rue Pasteur en 1898. A partir de 1869,
les correspondances déposées dans la boîte de la gare du Vésinet
et emportées par le train de Saint-Germain à Paris, étaient frappées
du cachet du Convoyeur-station, indiquant la station (Le Vésinet),
le numéro du département (72), le quantième du mois et le numéro
de la levée ainsi que le trajet (S.G.L.P. pour Saint-Germain-en-Laye
/ Paris). Après la route Sainte-Marguerite, le bureau du Vésinet
connut différents sites. Il fut au 66, route de Chatou en 1882 puis
au 4, place de l'Eglise deux ans plus tard. A cette époque, il était
ouvert au public, comme le bureau du télégraphe, de 7 h du matin à 9h
du soir tous les jours y compris les fêtes, et il y avait quatre
distributions du courrier par jour (6-8 h, 9-12 h, 15-17 h
et 20-21 h). Chacun des cinq facteurs parcourait de 22 à 28 km.
En 1893, la Ville demanda un sixième porteur mais se heurta à un
refus. De 1893 à 1895, " La Poste" fut installée au 59, boulevard Carnot sur la propriété d'un particulier.
Le bureau auxiliaire au 111, boulevard Carnot (près de l'école Pasteur)
fut ouvert en 1899. L'allée de la Gare et l'allée d'lsly
ne portaient pas de nom jusqu'au 9 novembre 1878. Ce soir-là, le
Conseil Municipal, présidé en l'absence d'Alphonse Pallu, par Jean Laurent,
Maire adjoint, modifia le nom de certaines voies du Vésinet qui
portaient à confusion et attribua une dénomination à deux allées
innommées. L'une, partant de la Gare du Vésinet et côtoyant
les pelouses s'appela allée de la Gare du Vésinet. L'autre,
partant de l'allée de la gare pour aboutir au boulevard du Midi
(boulevard du Président-Roosevelt actuel), s'appela allée d'lsly. Mais
ne pensez pas qu'il s'agit des allées que nous connaissons aujourd'hui,
Une fois la décision prise, la mise en application allait la remettre
en cause. En effet, les plaques indicatrices de l'allée de la
Gare furent posées allée d'lsly et vice versa ! L'ouverture de la nouvelle mairie en 1879 s'accompagnait de celle des bâtiments scolaires avoisinants (écoles gratuites de garçons et de filles, plus une école maternelle). L'installation de la Crèche Marie, 42, rue Alphonse-Pallu, fondée par Mme Pallu, en mémoire de sa seconde fille eut lieu l'année suivante. Les débuts de la bibliothèque communale, installée à la Mairie le 1er décembre 1881, furent modestes: un prêt d'un livre à un seul lecteur pour la première année. Il est vrai qu'elle n'était ouverte que le mercredi soir de 20h à 22h. Un Comité de cinq personnes (MM. Caron, Goulancourt, Foucault, Parnajon, Sérée, tous conseillers municipaux) était chargé de son fonctionnement. La présence d'un des membres était nécessaire au prêt d'un livre. En 1888 elle était fréquentée par 215 lecteurs et qu'elle comptait, 2151 volumes par 624 auteurs. Le Temple protestant s'ouvrit
au culte en 1881, sa construction ayant été financée par des souscriptions
particulières. A l'été 1880, un chroniqueur parisien, consacre un article documenté sur ce lieu de villégiature déjà très prisé qu'est Le Vésinet en 1880. Il en trace un portrait à la fois flateur et ironique mais riche de détails utiles à nos recherches, citant des « illustres » de l'époque, sans omettre quelques « clichés » évocateurs au prix de quelques approximations historiques. Il s'attarde sur la personne et le rôle d'Alphonse Pallu dont la fin est proche. Le Vésinet de la « Belle Époque » (1880-1914) La Belle Époque , celle
des expositions universelles et des cafés concerts, celle de l'Etat
bourgeois et des grèves ouvrières. Les Français acclament Boulanger,
puis se battent à propos de l'affaire Dreyfus. Ils travaillent
beaucoup, épargnent beaucoup, achètent de la rente perpétuelle, rêvent de revanche
et croient à la paix. La Tour Eiffel pointe dans le ciel parisien,
l'automobile commence sa carrière, l'avion risque ses premiers envols,
l'électricité cesse d'être une aventure. Malgré les campagnes publicitaires de la Société Pallu & Cie, les statistiques agricoles de 1882 rapportent que les bois et forêts recouvrent encore 230 ha (soit plus de la moitié du territoire communal). Les jardins de particuliers occupent 8 ha, les jardins de plaisance et les parcs 150 ha et les pelouses 30 ha. La deuxième partie de l'enquête recense les animaux : 38 chevaux entiers de 3 ans et au dessus, employés en travail et peu ou pas à la reproduction, 50 chevaux hongres de 3 ans et au dessus 28 juments et ... 70 chèvres ! (pas de vaches ?!). Les animaux de basse-cour sont aussi dénombrés : 250 poules, 30 canards, 100 pigeons et 200 lapins. Si l'on en croit les innombrables annonces émanant de résidents du Vésinet dans les colonnes de L'acclimatation des animaux et des plantes (périodique en vogue à la fin du XIXe siècle), très nombreux étaient les échanges, achats, ventes d'animaux de basse cour ou d'agréments. En 1883, Alphonse Daudet crut devoir se battre en duel, à propos d'une critique un peu trop acerbe de ses œuvres, avec Albert Delpit. Celui-ci lui reprochait d'avoir décarcassé le style de Chateaubriand, d'employer encore plus d'épithètes que l'auteur des Martyrs, d'imiter de trop près Dickens, de manquer complètement d'imagination et de ne pas savoir faire une pièce. L'article manquait de courtoisie, sans être précisément haineux ou méchant. Alphonse Daudet exigea néanmoins une réparation par les armes. La rencontre eut lieu au Vésinet, à l'épée de combat, et Albert Delpit reçut au bras une blessure sans gravité. La forêt du Vésinet était encore la scène de duels fréquents. Les blessures étaient légères, le vainqueur et les témoins se voyaient ensuite condamnés : l'un à une peine de prison et d'amende, les autres à une amende. Il faut lire le récit de Maupassant dans Bel Ami (1885)où l'on assiste à un duel dans une clairière du Vésinet, accessible par une route à ornières, entre deux taillis où tremblotaient des feuilles mortes bordées d'un liseré de glace. L'entrée en service de l'éclairage
au gaz, fut rendue possible par la construction d'une usine à gaz
sur le territoire du Pecq (située rue des Merlettes, en face de
l'actuelle allée des Maraîchers). L'éclairage public au gaz fit
l'objet d'un premier contrat, le 4 juin 1881. Il commença à fonctionner
le 5 octobre 1882, il n'y avait alors que 32 becs. Le concessionnaire
n'ayant pas exécuté les clauses du contrat, le fonctionnement de
la concession fut mis en régie le 3 avril 1883 et le 20 août remis
en adjudication. Le gymnase municipal (une salle des fêtes), fut construit en 1883, avenue des Pages, à l'emplacement de l'actuel bureau de poste. Dans la liste des conférences publiques et gratuites données dans la salle de gymnastique on relève celle de Frédéric Passy évoquant la vraie égalité et surtout de Raymond Poincaré. Selon Eugène Bénard, alors secrétaire de Mairie, l'orateur a entretenu son auditoire de Camille Desmoulins qui avait rêvé suivant ses propres expressions, une République que tout le monde puisse adorer, ce qui lui a donné droit à la reconnaissance de tous les hommes de liberté. Il est juste et agréable de dire que M. Raymond Poincaré a été digne du sujet. C'est avec une modestie pleine de bonne grâce, un tact et une élégance remarquables qu'il a conquis ses auditeurs et les a tenus, pendant plus d'une heure, sous le charme de sa parole. Alphonse Ledru, Maire du Vésinet à cette date, était l'ami de Raymond Poincaré, et avait invité ce dernier à venir dîner au Vésinet et à faire une causerie au profit de la Caisse des Écoles. Rappelons que Raymond Poincaré, qui était alors député de la Meuse et possédait une résidence secondaire à Montesson, fut de 1913 à 1920, Président de la République. La grande affaire traitée par le
Conseil municipal de 1884 était le projet de la ville de Paris
qui envisageait de déverser ses eaux d'égout dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye.
A l'occasion des réunions du Conseil les 5 et 30 août, la ville
du Vésinet s'associe à celle de Saint-Germain-en-Laye pour protester
contre le projet parisien. A ce propos, M. Pierson fit adopter,
le 5 août, une proposition de protestation contre un article du Figaro qui
citait Le Vésinet parmi les communes qu'alimentait l'eau de la
Seine. Or, l'eau distribuée au Vésinet était encore de l'eau de
source " absolument pure et distincte de l'eau du fleuve" .
Une insertion dans les journaux, signée du Maire, devait faire connaître
la composition de l'eau. Le 14 septembre 1884, un grave incendie détruisit la demeure d'un collectionneur hollandais, Abraham Willet. Une partie de ses collections s'évanouit en fumée. Le 30 septembre 1884, Le Vésinet connut son premier accident mortel de la circulation. Trois dames venues de Saint-Germain se promenaient en voiture (une calèche) dans le bois du Vésinet. Le cheval effrayé par le sifflet d'une locomotive, prit le mors aux dents. Pendant que le cocher cherchait à le retenir, les rênes se brisèrent. Gardant tout son sang-froid, il se jeta sur le dos de son cheval et parvint à le maitriser en lui tirant fortement la crinière. Malheureusement les trois personnes qui étaient dans la voiture, affolées, avaient successivement sauté la première eut une jambe cassée, la seconde, le bras gauche fracturé en deux endroits, mais la troisième se brisa la tête en tombant sur l'oreille gauche, perdant en même temps beaucoup de sang. Toutes trois furent transportées à l'hôpital de St-Germain. Si les deux premières purent, malgré leurs blessures, retourner à leur domicile, la troisième fut admise aux urgences où elle mourut peu après. La baignade dans les lacs et les rivières était alors permise, mais pas sans poser des problèmes comme le démontre l'extrait de l'arrêté municipal du 26 août 1891, pris par le Maire: « Considérant que des plaintes nombreuses nous sont parvenues à raison du spectacle qu'offrent des personnes se déshabillant sur les coulées et pelouses qui bordent les lacs du Vésinet et se baignent dans ces lacs à la vue du public sans costumes décents « Article I: il est expressément défendu à toutes personnes de se baigner dans les lacs, rivières et autres pièces d'eau situées à la vue du public, sans être revêtues d'un costume ou d'un caleçon dit maillot, couvrant le torse et le haut des jambes. Article 2: il est formellement interdit à toutes personnes de se déshabiller sur les coulées et pelouses communales bordant ces lacs, pièces d'eau et rivières ». Dans ces conditions, il ne restait que deux solutions: se baigner tout habillé, ou se promener en maillot de bain dans les rues du Vésinet jusqu'à son lac préféré. Mais Le Vésinet avait alors un autre problème d'eau ! Lors de la séance du 4 novembre 1884, fut longuement évoquée la question des inondations de la gare, affaire qui allait dégénérer en polémique deux ans plus tard et faire les choux gras de la presse locale. Elle aboutira en 1887 à la création du premier réseau d'égouts pour collecter l'eau en bordure de la voie ferrée qui sera prolongé jusqu'à la gare dite du Pecq en 1896. Mais jusqu'en 1965, la plus grande partie des eaux usées de la commune s'écoulait dans des puisards. Par arrêté préfectoral du 30 juin 1887, l'Espérance, société de Gymnastique et de tir, était fondée au Vésinet. Son but: " l'étude théorique et pratique des exercices militaires et gymnastiques et de resserrer les liens d'amitié qui doivent exister entre les jeunes gens du Vésinet" . Répondant à un mouvement national, cette société était avant tout " développer le goût du tir, encourager et vulgariser, dans la mesure du possible, avec l'arme de guerre et en général avec toutes les armes, les exercices de tir, de manière à former des tireurs habiles, animés de sentiments patriotiques et de rendre des services au pays. La revanche après la défaite de 1870, occupait tous les esprits. Une Société Municipale de Secours
Mutuel et de Retraite, La Prévoyance fut créée en 1888. Elle s'adressait aux
quelque 300 familles résidant de façon permanente dans la commune
et y exerçant leur métier. Un comité des fêtes fut mis en place pour organiser des manifestations qui seraient à la fois des attractions pour distraire les visiteurs et des fêtes de bienfaisance pour réunir des fonds. Le 29 juillet 1888 parut le premier numéro d'un nouveau journal, La Gazette du Vésinet. Le fondateur, Achille Lécolle, qui habitait au Vésinet, était aussi directeur et rédacteur en chef de L'Audience, une revue spécialisée dans les affaires juridiques, imprimée au Vésinet. Quelques faits divers relevés dans la gazette : telle propriété cambriolée, telle personne empoisonnée par des champignons cueillis dans les bois, telle autre trouvée pendue. Le lundi 4 février 1889, un jardinier du Vésinet chargé de garder une villa inoccupée surprit deux individus suspects qui refusèrent de répondre à ses sommations. Il ouvrit le feu avec son révolver, touchant un des deux malfrats à la tête tandis que l'autre parvenait à s'enfuir avec sa part du butin dérobé dans la villa de M. Delilia. Le blessé, interrogé dit se nommer Frey et dénonça son complice, un certain Newalt. Frey, succomba à sa blessure à l'hôpital de St-Germain quelques jours plus tard. Le fait-divers qui n'aurait sans doute pas eu de suites eut les honneurs de l'édition parisienne du New York Herald Tribune car le dit Frey prénommé Berhardt, avait été, avant ses démélés avec la justice, journaliste, publiciste, et auteur de quelques bonnes feuilles. Il n'en était pas à son premier larcin. Un de ses confrères laissa son témoignage : Pendant plusieurs années, ce personnage joua à Paris le rôle de correspondant étranger des journaux d’Allemagne et d’Autriche. Sans me poser en physionomiste impeccable, je puis dire que jamais personne ne me fut plus antipathique. Petit, gros, roussâtre, tassé, ayant une face de grenouille, ce misérable était la malveillance née. Se faufilant partout avec un aplomb infernal, il prenait part à des réunions d’hommes de lettres et de journalistes, surprenant la religion des plus prudents. Ne l’ai-je pas vu à Vienne très bien accueilli par M. de Beust? Je me rappelle aussi qu’en certain congrès, il se présenta muni des pouvoirs de la Société des écrivains allemands, AllgemeineSchrifleller Verband. Et le pis, c’est qu’il n’était pas sans quelque talent, extraordinairement polyglotte, parlant avec faconde et, chose étrange, paraissant avoir l’esprit juste. On affirme d'ailleurs qu’il appartient à une famille honnête. Il gagnait sa vie et avait toujours de l’argent. Ici, il fréquentait le Cercle de la Presse et avait su se faire bien voir de quelques-uns de nos confrères et des mieux estimés. Au début de l'année scolaire 1889-1890, la Ville de Paris conclut un accord avec la Compagnie des Terrains et Eaux du Vésinet pour permettre aux élèves du Collège Chaptal (école primaire et secondaire municipale de la Ville de Paris) de venir chaque jeudi pratiquer le sport sur les terrains du Vésinet. On sait qu'il s'agit de " champs" voisins de l'Hippodrome et qu'un court de Jeu de Paume fut macadamisé, mais la localisation exacte de ces terrains reste imprécisée. Dans la nuit du 2 au 3 septembre 1889, les trois sœurs Cuvelier, locataires d'une maison située au 80, route de Chatou, périrent dans l'incendie de la maison. Une rapide enquête menée par M. Emile Cappe adjoint au maire et le Maréchal des Logis de la gendarmerie de Chatou, établit que deux des sœurs s'étaient données la mort d'une balle dans la tête après avoir abattu tous leurs animaux domestiques (cheval, chien, chat, ...) et avoir enfermé leur sœurs cadette (un peu simple d'esprit) et mis le feu à divers endroits de la maison. Le premier événement marquant de l'an 1890 au Vésinet fut le décès, à l'âge de 36 ans, d'Étienne Pallu, fils du fondateur de la commune et son successeur à la tête de la société Pallu. Quelques mois plus tard, Mme Pallu, marquée par la mort de son dernier enfant, quittait Le Vésinet. Alphonse Sauvalle, juriste et administrateur de sociétés, fut nommé gérant de la Société du Vésinet pour succéder à Etienne Pallu. En mai 1890, le Maire avertit le Conseil Municipal que le Conseil
Général avait émis un vœu tendant à la création, dans le plus bref
délai, d'une brigade
de Gendarmerie au Vésinet. Cette gendarmerie, très attendue,
sera installée cinq ans plus tard. La police était auparavant assurée
par deux gardes champêtres municipaux. Le Commissariat de police était à Saint-Germain-en-Laye
et la brigade de gendarmerie à Chatou (grande rue de Paris). Au mois de février 1898, la vente d'un tableau supposé peint par Rembrandt à la salle des ventes du Pecq, aussitôt désigné dans la presse comme le Rembrandt du Pecq provoqua des débats passionnés sur l'identité de l'auteur de ce tableau. Le débat entraîna un procès mettant en cause les compétences et l'honnêteté de ceux qui avaient organisé cette vente. Il faut préciser que tous les protagonistes de l'affaire étaient du Vésinet et que le tableau était resté exposé durant trente ans dans la villa de sa propriétaire, Madame Legrand, 108 route de Chatou (boulevard Carnot). La villa en question baptisée villa Rembrandt, donnera plus tard, en 1898, son nom à l'avenue Rembrandt qui lui était mitoyenne. Pourtant, la peinture n'était pas de Rembrandt, mais d'un de ses élèves : Aert de Gelder. Le kiosque Hériot, don du Commandant Olympe
Hériot à la Ville, se dressait sur son socle de pierre, au bord de la pelouse
de la gare. Érigé en 1891, il disparaîtra dans les années 1930
pour céder la place à un terrain de boules (lui-même disparu dans les années 1980). M. Ducouret, chef
d'orchestre de l'Accord Parfait, y donnait souvent des concerts
le dimanche en soirée et même en semaine. Les musiciens répétaient
dans une petite cabane en bois, derrière la salle des fêtes (aujourd'hui
elle serait derrière la poste). Cette baraque aurait servi primitivement,
de poste de police. M. Ducouret habitait, près de l'école Saint-Charles,
une belle demeure baptisée Do Mi Si La Do Ré. Le Conseil municipal du 2 août 1897, adopta le projet d'armoiries qui manquaient à la commune. Le Conseil Municipal avait décidé qu'y figureraient: " Un cor, de forme ancienne, rappelant la légende de Roland, une marguerite, sous le vocable de laquelle M. Pallu, premier Maire du Vésinet, a placé cette Commune qu'il a fondée et une guirlande de feuillage de chêne rappelant la forêt qu'était naguère ce pays" . Le blason proposé par Eugène Bénard fut retenu. Les armoiries furent officialisées par arrêté du maire, Charles Drevet, du 2 août 1898. On peut les voir sur les affiches publicitaires qui furent utilisées à cette époque à l'occasion d'une nouvelle campagne de lotissement. Avant 1900, le
défilé du Boeuf-Gras avait lieu avant la fête de la Marguerite.
Il s'agissait de promener, fanfare en tête, dans les rues du Vésinet,
un bœuf énorme, décoré de fleurs et de rubans tricolores. La bête
appartenait à la boucherie Filquière, et M. Filquière lui-même,
vêtu de la blouse bleue traditionnelle la conduisait. Au début de l'été, les gamins du Vésinet pouvaient gagner 50 centimes, en apportant au père Ecosse, appariteur de la mairie, une boîte remplie de hannetons (ces destructeurs de nos jardins) aussitôt jetée dans un tonneau placé derrière la mairie. 50 centimes, c'était le prix des lampions du 14 juillet. Avec cet argent, les gamins pouvaient aussi s'acheter des caramels, des roudoudous et des " miettes" , c'est-à-dire des gâteaux entiers ou cassés faits la veille, que tous les lundis le pâtissier Lamesch, leur vendait pour deux sous. Comme le voulait la tradition instituée depuis la fondation de l'Orphelinat des Alsaciens-Lorrains au Vésinet, la distribution des prix était aussi l'occasion de rassembler des personnalités, gens de lettres, généreux donateurs gens de la presse. Chaque année, le Comte Paul d'Haussonville, président de l'Œuvre des Alsaciens-Lorrains fondée par son père, invitait un membre de l'Académie française. En 1900, ce sera Ferdinand Brunetière. Brunetière, historien de la littérature, critique renommé, brillant orateur et antidreyfusard notoire, n'était pas là par hasard. Il prononça un discours qui illustrait bien – les circonstances s'y prêtaient – l'esprit de revanche qui occupait les esprits en ce début de siècle. Quelques années plus tard, un autre grand écrivain de la revanche, Maurice Barrès, se livrera au même exercice, le 24 juin 1904. Au fil des ans, le discours de l'orphelinat des Alsaciens Lorrains était devenu un exercice obligé pour les nouveaux académiciens. Le 18 Août 1900, le congrès international de l'hypnotisme qui se tient à Paris dans le cadre de l'exposition universelle, en est à sa séance de clôture qui est consacrée à la rédaction d'un « vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent ». Au milieu de l'après-midi, les congressistes montent dans des voitures spéciales qui les attendaient et viennent au Vésinet où ils font une visite en commun de l'établissement d'Hydrothérapie du docteur Raffegeau. Sur le boulevard Carnot " de bruyants engins, haut perchés, dévalent en soulevant des nuages de poussière" . Le Conseil Municipal s'en émeut et, dans le compte rendu de sa séance du 19 juin 1901 on peut lire : " considérant que la plupart des voitures automobiles sont menées sans aucun souci de la sécurité publique, que leurs conducteurs ne se préoccupent que de marcher avec la plus grande vitesse possible, considérant que grâce à la vitesse de leur machine, les conducteurs réussissent trop souvent à s'enfuir, que l'apposition d'un numéro bien visible sur les deux côtés et à l'arrière de ces voitures préviendrait toute tentative de fuite, émet le voeu qu'un numéro bien visible soit obligatoirement placé sur les deux côtés et à l'arrière des voitures." La fête de la Marguerite a déjà quarante ans d'existence.
Elle est devenue au fil des ans une des plus belles fêtes de la
région. Elle attire la population de toutes les communes environnantes.
La rue Thiers, les places de l'Eglise et du Marché sont envahies
par les manèges, les stands et les boutiques. Autour de l'église,
se tient la fête proprement dite, avec ses manèges comme le manège
des Cochons composé de trois rangées de cochons géants (1,50 m à 2 m
environ) qui tournent en imitant le mouvement du galop, le manège
des Anes, les Ballons tournants, les balançoires, les
baraques de tir, la grande roue de la loterie où l'on peut gagner
des services en porcelaine et même des poulets vivants, des boutiques
de nougat et le stand de pêche réservé aux enfants qui ne manquent
pas d'imagination pour que " la pêche soit bonne" . Les Ibis, lieu d'innombrables
fêtes, courses et concours. Des courses cyclistes se déroulent
sur la piste de l'hippodrome délaissée par les cavaliers ?
Il s'agit de parcourir 70 km, c'est-à-dire de faire à peu
près 40 fois le tour du lac et de l'île des Ibis. Pour éviter la
monotonie et soutenir l'attention des spectateurs, tous les trois
ou quatre tours sont prévus des sprints annoncés par le haut-parleur.
Le coureur qui passe en tête reçoit une prime de 20, 10 ou 5 frs.
Plus pittoresques et heureusement disparues, sont les courses de
canards. On lâche des canards dans le lac des Ibis et des jeunes
gens essayent d'attraper les malheureux oiseaux qui filent à toute
allure à la surface de l'eau. Les cinquante-quatre numéros de La Gazette du Vésinet (seconde époque), qui parurent en 1901-1902, nous ont fait découvrir certains aspects de la vie quotidienne au Vésinet, à l'aube du XXe siècle. La Gazette se proclamait indépendante et, ne ménageait pas ses critiques à l'égard de la Municipalité. En juin 1901, la Gazette fit état, dans ses échos, d'une expérience scientifique qui se préparait entre deux villas de la commune, ayant trait à la télégraphie sans fil. Cette expérience rendue publique le 1er juillet 1901 eut un grand retentissement dans les jours et les semaines suivantes. Elle inpliquait plusieurs scientifiques éminents parmi lesquels Eugène Ducretet, pionnier de la radiodiffusion. La télégraphie tellurique dont il était question sera très employée durant la Grande Guerre, quelques années plus tard. Le 19 septembre 1901, les rédacteurs de la Gazette eurent à " couvrir" un fait divers sanglant, le crime du Petit-Montesson. Rapporté à la manière de la Gazette, avec un luxe de détails et quelques approximations, l'assassinat de Madame Soyer fit ensuite la couverture du Petit Parisien. Au début d'avril 1902, la presse parisienne annonça que le Club français, un des principaux clubs sportifs de la capitale venait de se rendre acquéreur, d'un superbe terrain, de 25 000 m², situé au Vésinet, à sept minutes de la gare du Pecq. On projetait d'y établir deux terrains de football association, un terrain de rugby, dix cours de law-tennis et une piste de 400 mètres pour les épreuves de course à pied. Le 1er mars 1904, le Tramway traverse le Vésinet. La ligne joignant la gare de Rueil au Pecq, un embranchement de la ligne Paris / St-Germain via Nanterre et Marly-le-Roi, est mise en service. Elle suit le boulevard Carnot et marque quatre arrêts au Vésinet, boulevard de L'Est (actuel bd des États-Unis), Mairie, Champ de course (pelouse des fêtes), Place de la République. Il faudra attendre janvier 1914 pour qu'elle soit prolongée jusqu'à Saint-Germain, peu après son électrification. La Société des exercices physiques du lycée Condorcet, au cours de la réunion qu'elle organisa le 19 mai 1904, fit disputer autour du lac du Vésinet le premier Championnat interscolaire de motocyclettes. Cette épreuve se disputa sur 10 kilomètres. Elle était réservée aux membres des Associations scolaires. Apparues une dizaine d'années plus tôt, ces drôles de machines fascinaient déjà les jeunes gens. Il semble que l'expérience n'aie pas été renouvelée. Le dimanche 29 mai 1904 dans la matinée,
la Marche de l'Armée traversa
le Vésinet, par le boulevard Carnot. On avait dressé pour l'occasion
des arcs de triomphe fleuris et déployé une multitude de fanions
tricolores. Les badauds se pressaient le long du parcours pour " voir
et complimenter l'Armée française" . Organisée par le journal Le
Matin, cette épreuve d'endurance, unique en son genre, réservée
aux soldats consistait en une marche (en tenue militaire) de près
de 45 km, de Paris à St-Germain et retour. Aux 2000 participants
s'ajoutaient 4000 hommes de troupes et gendarmes postés sur tout
le trajet. En 1906, la route de Sartrouville, au-delà de Montesson, devint un but de promenade très prisé. On s'y rendait à pieds ou à vélo en espérant voir voler les drôles de machines. Traian Vuia [et non Santos Dumont comme on a pu le lire parfois dans certains ouvrages d'histoire locale] y commençait la conquête de l'air. Il réussit son premier décollage au " petit chemin de la plaine" le 18 mars 1906 (60 cm au dessus du sol, sur une douzaine de mètres !) Une piste d'aéro-club subsistera jusqu'au milieu des années 1950. La Société mixte de tir fut fondée par l'Union républicaine et radicale du Vésinet en août 1907. Cette société, prolongement de l'Espérance, la plus ancienne du Vésinet fondée en 1887, était due à un groupe de fervents du tir au fusil de guerre dit Lebel modèle 93: Gaston Rouvier, Camille Saulnier, deux futurs maires du Vésinet et Léon Johnson maire de Montesson, champion du monde au fusil de guerre. L'utilité patriotique d'une telle société apparaissait à l'époque incontestable au moment de la réduction à deux ans du service militaire. En 1909, la Ville entra en possession de l'Avenue de la Princesse, magnifique allée desservant l'Asile national, restée la propriété de l'Etat en 1875. Sur les anciennes cartes (1782), cette allée forestière figurait sous le nom de Route de la Princesse de Conti. Elle a donné son nom au quartier urbanisé qui s'est formé à la fin du XXe siècle au voisinage de l'Asile. le 1er Aout 1909, un dimanche en fin d'après midi, une ancienne artiste dramatique, Jeanne Addey-Dallemagne, maîtresse délaissée d'un ancien ministre, Pierre Merlou, tirait sur sa rivale Marie Bergé, plusieurs coups de revolver. L'agression eut lieu allée d'Isly, non loin du domicile de la victime. La coupable fut arrêtée un peu plus tard à la Pension du Chalet, rue de l'Eglise, où elle avait élu domicile depuis quelques mois. L'affaire, sous le titre du Drame du Vésinet, fit grand bruit en raison de la personnalité des protagonistes. Pierre Merlou, gravement perturbé, fut admis à la clinique du Dr Raffegeau quelques semaines après le drame. Il y mourut le 23 novembre suivant. Le 22 octobre 1909, un vendredi soir, Le Vésinet fût le théâtre d'un drame qu'on retrouva par la suite à la une des journaux. Jules Godart, jeune ténor de l'Opéra de Paris se trouvait en visite chez un ami, M. Doudieux, domicilié 15, rue Thiers lorsqu'il mourut subitement après avoir absorbé deux cachets d'antipyrine. Le médecin conclut d'abord à une crise d'urémie. Mais l'enquête qui suivit cette mort suspecte ne tarda pas à permettre d'identifier la coupable, une demoiselle Marie Bourette, qui fut jugée et condamnée à la prison à perpétuité, au terme d'un procès qui connut un grand retentissement. Entre le 8 et le 28 juillet 1910, 78 lignes téléphoniques furent sectionnées sur les communes de Montesson, Le Vésinet et Le Pecq (rive droite). Il s'agissait d'opérations de sabotage faites par le " comité révolutionnaire secret de Seine-et-Oise" (les recherches de la police et du parquet n'ont pas réussi à en découvrir la filière), pour protester contre " l'arrestation arbitraire du camarade Ingweiller, secrétaire de l'Union syndicale des ouvriers sur métaux, les poursuites scandaleuses engagées contre le comité de grève du Bi-Métal et les condamnations prononcées le 25 juillet 1910" . Les consignes transmises par tracts étaient édifiantes: " Chaque fois que s'élèvera un conflit entre patrons et ouvriers, que le conflit soit dû aux exigences patronales, qu'il soit dû à l'initiative ouvrière, et au cas où la grève semblerait ne pouvoir donner des résultats aux travailleurs visés, que ceux-ci appliquent le " boycottage" ou le " sabotage" - ou les deux simultanément ! [...] Jusqu'ici, nous n'avons envisagé le sabotage que comme un moyen de défense utilisé par le prolétariat contre le patron. Il peut, en outre, devenir un moyen de défense du public contre l'état ou les grandes compagnies." Le 18 juillet 1910, la presse annonçait la disparition d'un rentier belge habitant au Vésinet, M. Vermeersch. En juin 1911, au terme d'une enquête de près d'un an en France et en Belgique, on découvrit le cadavre de M. Vermeersch enterré dans le potager de sa propriété, 81, boulevard Carnot. Son secrétaire Joseph Jooris fut accusé, jugé aux assises de Bruxelles en juillet 1912 et acquitté à la surprise générale. Le crime du Vésinet reste un mystère. Au début de l'hiver 1911, le Vésinet est agité par un " mouvement social" . La corporation des jardiniers (c'est alors la plus nombreuse dans notre commune) est une fois de plus tentée de s'organiser contre la " rapacité bourgeoise" des employeurs ou contre les " renégats" qui acceptent de travailler pour des salaires de misère. Un " Cercle d'Etudes sociales du Vésinet" s'organise et tente d'offrir aux protagonistes des deux camps une " négociation" s'appuyant sur une étude fine de la situation. Le 17 avril 1912, une très rare éclipse perlée traversait la France des Sables-d'Olonne à Charleville. La totalité dura deux secondes à Saint-Germain-en-Laye où les curieux s'étaient réunis en nombre. Les toits de Paris avaient été pris d'assaut même si l'éclipse n'était que partielle sur la capitale. A l'hôpital Bichat, au pavillon des opérés, tous les malades transportables avaient été installés aux fenêtres et un interne dévoué projetait l'image de l'éclipse sur un mur pour les quelques patients restés dans leur chambre. Au Vésinet, à la Villa La Marguerite, environ soixante personnes de familles parisiennes juives éminentes s'étaient rassemblées chez un de leur coreligionnaires pour regarder l'éclipse totale. " Cette éclipse fut occultée dans la presse par le naufrage du " Titanic" survenu trois jours plus tôt. Le 16 janvier 1913, un Commissariat de 4e classe était officiellement mis en place au Vésinet. M. van Langhenhoven, chef du poste de Police fondé par le Maire Gaston Rouvier en 1909, avait été admis à postuler au grade de Commissaire. Depuis son installation en 1909, il avait trouvé dans plusieurs affaires criminelles (l'empoisonnement de Jules Godart, l'affaire Dallemagne, l'affaire Vermeersch) ou mondaines (Mme Steinheil, M. Merlou) des occasions de se faire apprécier de la hiérarchie. Le 13 juillet 1913 fut inaugurée et consacrée l'église Sainte-Pauline, construite sur une propriété donnée en 1911 à l'évéché de Versailles par Madame Adèle Chardron, en souvenir de son mari, Joseph Armand Chardron. Le nom de Pauline est celui de leur fille Pauline, disparue en 1886, à l'âge de 20 ans. La même année, la fin de saison fut marquée par un nouveau fait-divers : la mort de Pierrette Fleury décrite comme l'éthéromane du Vésinet, ses funérailles le 27 septembre attirèrent de nombreux badauds. Ce qu'on désigna durant quelques semaines comme l'Affaire des poisons du Vésinet, alimenta beaucoup de rumeurs mais se solda finalement par un non-lieu général. La Grande Guerre (1914-1918) Le 3 août 1914, l'Allemagne déclarait
la guerre à la France. La mobilisation générale était proclamée.
En quelques jours, le jeu des alliances plongeait presque toute
l'Europe dans la guerre. Sur le front Ouest, les armées françaises,
belges et britanniques reculaient tout l'été face à l'offensive
allemande. Au début de septembre Paris était menacé. Le Gouvernement
se transportait à Bordeaux. La municipalité s'organise. On
recense la population effective: " les citoyens de bonne volonté qui,
disposant de quelque temps, voudraient prêter à la municipalité leur concours gracieux, sont priés de vouloir bien se faire inscrire
au secrétariat" . Les familles habitant au Vésinet, qui ont
un de leurs membres sous les drapeaux, doivent se faire connaître
en Mairie pour le payement d'allocations spéciales. Des déclarations
sont aussi obligatoires pour les automobiles, les motocyclettes,
les chevaux et autres animaux de trait, les voitures (à cheval ou à bras),
les chiens. Remplissant
un premier devoir, le maire, au nom de la ville, s'incline
devant nos concitoyens dont les fils sont morts glorieusement
pour la patrie. Le Vésinet saura conserver la mémoire de
ses héros. Mairie du Vésinet, le 15 décembre 1914, le maire, chevalier de la Légion d'honneur, Gaston Rouvier La réception annuelle et le bal municipal
du 1er janvier n'ont évidemment pas eu lieu. Depuis le début de
la guerre, le Bureau
de bienfaisance distribue des secours :
Pain, viande, charbon, chaussures, soupes populaires, lait, médicaments,
etc. Pour les cinq premiers mois de guerre, 18 267 frs
auront été distribués. Le maire, et la commission administrative sollicitent
les " généreux concitoyens" pour de nouveaux dons,
nécessaires pour continuer à faire face à des demandes de plus en
plus nombreuses et justifiées. Tous les habitants sont priés de prendre
connaissance des avis qui sont affichés le samedi après-midi et seront
envoyés à domicile, sur demande, contre un franc pour cinq numéros. L'économie de guerre se met en place
dès les premiers jours de 1915. Le Conseil municipal, a décidé qu'aucune
charge nouvelle ne sera imposée aux contribuables, cette année
là, par l'administration communale. Ce n'est pas une période de
grands travaux. Pourtant, le cimetière communal vient d'être agrandi
de 4 620 mètres carrés, c'est-à-dire qu'on en a doublé l'étendue.
Le travail a permis d'occuper pendant deux mois 10 concitoyens
en chômage. La dépense a été de 3 500 frs. Un rond-point
central a été aménagé pour l'édification du futur monument aux " Enfants
du Vésinet, morts pour la Patrie" . Si la vie sociale continue, elle
s'organise dans un but patriotique. Des matinées artistiques de
bienfaisance sont données au bénéfice des soldats du front. Les
fonds recueillis sont consacrés, par exemple, " à l'achat
de sous-vêtements de laine qui seront portés sur le front en automobile" .
Diverses manifestations, décidées au niveau national, seront organisées
localement par le Syndicat d'Initiative pour le développement
de la Ville, association fondée en 1911 dans un tout autre
objectif. La Journée du 75 (7 février 1915). Insigne à la gloire du canon de 75 mm vendu dans toute la France, au bénéfice de l'Œuvre du Soldat au Front.
Devant le succès de la quête organisée au profit du poilu, cette action fut prolongée pendant toute l'année 1915, avec vente de médailles et insignes qui rapportèrent 5.266.182 frs de l'époque à la date du 10 juin 1915. La vente, au Vésinet, rapportera une somme de 1800 frs déposée, selon les instructions préfectorales, à la Banque de France. Les " Alsaciens-Lorrains" en résidence au Vésinet, " sont instamment priés de se présenter
au commissariat de police avant le 1er février [1915], sans
faute, pour obtenir ou faire renouveler d'urgence leur permis de
séjour qui leur est nécessaire." Après tout, ils sont allemands
! Toutefois, la mesure ne concerne pas les pensionnaires de l'Orphelinat
St-Charles. La commission de ravitaillement [nommée,
en vertu de l'état de siège, par arrêté municipal du 2 août 1914],
en appelle au patriotisme des commerçants, pour " ne plus
voir se renouveler les plaintes rapportées à la mairie, suite à une
hausse injustifiée des prix" . La société " Gaz franco-belge" , quant à elle, concessionnaire de la fourniture du gaz dans la commune, facture " en raison des circonstances actuelles" le gaz à 0,30 frs le mètre cube aux particuliers, au lieu de 0,25 frs, soit une augmentation de 20% pendant le temps des hostilités. Une commission spéciale est nommée par le Conseil municipal pour l'étude de cette délicate question. Il est vrai que les français d'avant guerre n'avaient pratiquement pas connu l'inflation. Le 13 mars 1915, un détachement du 23e Colonial, composé de 10 officiers et 1100 hommes, est annoncé dans la commune pour y séjourner du jeudi 18 au mardi 24 mars. " Notre population fera le meilleur accueil aux représentants de notre armée nationale. Les habitants qui peuvent mettre à disposition de la troupe des fourneaux, lessiveuses et grandes marmites, pour la cuisson des aliments, sont priés d'en faire la déclaration immédiatement au secrétariat de la mairie" . Engagé en septembre 1914 dans la bataille de la Marne où il avait subi de lourdes pertes, le 23e Colonial était alors en cours de reconstitution, avant d'être envoyé en Champagne. En raison de ce qu'elle estimait être
une " insuffisance des moyens de communication" avec
Paris par chemin de fer, la municipalité n'hésita pas à prendre
l'initiative d'une pétition,
que tous les voyageurs furent (fermement) priés de signer à la
mairie ou dans l'une des deux gares. La guerre n'interrompra pas
les récriminations des usagers vis-à-vis de la Compagnie, récriminations
relayées par les courriers des Maires depuis le début des années
1880 ! La vie continue et les services publics doivent fonctionner
et on ne leur épargne pas les critiques. La " Gare du Pecq" [celle de 1861] aurait dû, de longue date, subir des transformations
importantes, réclamées à cor et à cri par les municipalités successives.
On souhaitait un aménagement des salles d'attente, la construction
d'un étage ou d'un pavillon pour le logement du chef de gare. Au conseil de révision de la classe 1916, à Saint-Germain (qui se soint tenus en janvier et février 1915), le nombre des jeunes conscrits de la commune était de 45 dont 27 déclarés bons pour le service armé et pour le service auxiliaire. Il n'y eut que deux exemptions. Les hommes non-appelés sous les drapeaux, " doivent tous être munis d'un nouveau fascicule, modèle Z, daté du 15 mai 1915 (sauf ceux classés dans l'affectation spéciale, la non-affectation ou la non-disponibilité, qui doivent être en possession d'un certificat modèle n°61). Ces ajournés ainsi que les hommes exemptés ou réformés, ceux qui ont été maintenus exemptés ou réformés par le nouveau Conseil de révision, beaucoup plus avide de recrutement qu'en temps de paix, doivent être porteurs, en tout temps, d'une pièce justifiant de leur situation militaire : certificat d'ajournement, certificat d'exemption, livret individuel ou certificat de position militaire, mentionnant la nouvelle décision prise à leur égard par le Conseil de révision. Le 14 août 1915, le Préfet adresse au Maire, en le priant de porter ces conseils à la connaissance de la population civile, l'extrait suivant de l'avis de la Commission des études chimiques près du ministère de la Guerre : Mesures à prendre par la population civile en cas d'attaques aériennes
par les gaz asphyxiants.
En terminant, la commission émet
l'avis que le public " doit être mis en garde contre l'insuffisance
et parfois le danger d'appareils de toute nature proposés actuellement
contre les gaz et non confectionnés suivant des principes rationnels" . Les
gaz ont en effet été employés bien avant que les moyens efficaces
de protection aient été mis au point. Le 22 avril 1915, près d'Ypres,
180 tonnes de chlore ont été répandues sur 6 km du front. Poussé par le vent, le nuage de gaz
a causé la mort de quelque 5.000 soldats et en a mis 1.500
autres hors de combat, provoquant une intense panique. Quelques semaines
plus tard, le 31 mai, de nouvelles attaques plus meurtrières par
un mélange chlore-phosgène sur le front russe feront 9.000 victimes.
En juillet 1915, 100.000 obus chargés au bromure de benzyle
seront tirés au canon de 155 en Argonne. Mais l'emploi des gaz ne
faisait que commencer. Depuis lors, le spectre de la guerre chimique
plane sur tous les conflits. Si certains commerçants et des industriels ont jugé nécessaire d'ajuster leurs prix à la hausse, d'autres choisissent de faire profiter leurs concitoyens de leurs compétences. Ainsi, le docteur Darricarrère, qui avait, dès le commencement des hostilités, décidé d'assurer un service gratuit de consultations médicales [les dimanches, mardis, jeudis et samedis, de 2 à 4 heures, dans les locaux de l'école communale de garçons]. Le nombre de ces consultations dépassait 2500 à l'été 1915. La municipalité lui adressait, à cette occasion, " tous ses remerciements pour son concours si dévoué et si utile." Le docteur Darricarrère n'était pas seulement un médecin généraliste, altruiste et fort apprécié de ses patients. Ancien médecin-major, investi dans le mouvement néo-malthusien, il était aussi l'auteur des ouvrages susceptibles d'engendrer de vifs débats, sur les guerres coloniales (1904), le droit à l'avortement (1908), la syphilis (1914). Par arrêté du Général gouverneur militaire de Paris, en date du 25 novembre 1915, fut interdite, sur tout le territoire du Gouvernement militaire de Paris et du camp retranché, dans les cafés, cabarets, estaminets et débits de boissons, la vente au détail des spiritueux aux militaires de tous grades ainsi qu'aux hommes appartenant à l'une des classes mobilisées ou mobilisables et affectés, en exécution de l'article 6 de la loi du 17 août 1915, aux établissements, usines, exploitations travaillant pour la Défense nationale. En conséquence, le Préfet de Seine-et-Oise en date du 26 novembre 1915, interdit la vente au détail des spiritueux le matin jusqu'à 11 heures dans tous les cafés, cabarets, estaminets et débits de boissons du Département. Interdiction applicable, pendant toute la durée d'ouverture de ces établissements, en ce qui concerne les femmes et les mineurs au-dessous de 18 ans. Qu'on se rassure ! ne sont pas compris dans l'interdiction le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel (pourvu qu'ils ne titrent pas plus de 18°), les " vins de liqueurs et d'imitation, ainsi que les vins aromatisés préparés sans addition, macération ni distillation de substances contenant des essences" (pourvu qu'elles ne titrent pas plus de 23°), et les liqueurs sucrées préparées avec des fruits frais. On avait donc encore de quoi s'offrir une bonne cuite ! En outre, les militaires ne pouvaient consommer dans les débits que de 5 heures à 8 heures ½ du soir. De 5 heures à 9 heures du matin les commerçants ne pouvaient servir que le petit déjeuner, et de 11 heures à 14 heures, que le déjeuner. Dès la fin de 1915, l'Oeuvre d'assistance aux mutilés des armées de terre et de mer de Seine-et-Oise, fit appel au concours des patrons qui seraient disposés à recevoir en apprentissage des mutilés de la guerre. Ces derniers étaient vivement incités à entreprendre une rééducation professionnelle. " Les mutilés des jambes, notamment, peuvent très bien apprendre des métiers comme ceux de cordonnier, tailleur, sellier, bourrelier, horloger, opticien, etc […] L'oeuvre aidera ses mutilés pendant la durée de leur apprentissage, de façon que les patrons puissent facilement récupérer leur peine et le temps perdu" . En février 1916, c'est Verdun, de
nouveaux morts et quelques citations lues
en Conseil municipal et affichées. La réception annuelle et le bal municipal du 1er janvier [1917] sont encore remplacés par une cérémonie à la gloire des jeunes héros : Unis dans une même pensée, nous consacrerons le premier jour de l'année de la victoire à nos morts héroïques et à nos combattants. [Qui peut croire alors que deux années de combats restent à subir ? que le pire est à venir ?] Lundi prochain, 1er janvier 1917, vous viendrez pour eux à la mairie, notre maison commune, de 9 heures à 4 heures, apporter pour la deuxième fois votre souscription pour le monument qui témoignera à nos morts notre reconnaissance et pour l'envoi à nos combattants dont les familles ont besoin d'aide, d'une petite somme qui leur témoignera notre affection. Habitants du Vésinet ! notre dette envers nos morts et envers nos combattants s'est accrue avec la durée de la guerre. Lundi prochain, 1er janvier, tous, jeunes et vieux, vous sacrifierez un peu de votre temps pour venir leur prouver que vous pensez à eux, dans un même sentiment d'affection et de reconnaissance. Vive notre France ! Vivent les peuples alliés ! Salut à l'année de la Victoire ! Cent cinquante conscrits avaient reçu, à la suite de la souscription de 1915, un mandat de dix francs. Leurs réponses, " admirables d'énergie, de patriotisme et d' espérance" pouvaient être lues à la mairie. Les difficultés temporaires de ces mois de guerre (ravitaillement, charbon, carte de sucre, services municipaux, insuffisance de personnel et de main d'œuvre) obligèrent le maire à faire un appel pressant à la population civile pour qu'elle prête à la commune, gracieusement, un concours devenu nécessaire. Tout civil qui jouissait de quelque loisir, était dans l'obligation morale de le donner au service public. Hommes et femmes, disposant de tout ou partie de leur temps, étaient donc invités à adresser au maire, avant le 20 février 1916, la lettre suivante : Je soussigné,…[nom, prénoms, adresse complète, profession et aptitudes], désireux de collaborer au service civil volontaire, déclare me mettre gracieusement à la disposition de la commune du Vésinet, pour tout travail d'utilité publique correspondant à mes forces et facultés, les jours ou demi-journées suivants (9 heures à midi, 2 heures à 5 heures) :…[indiquer les jours ou demi-journées disponibles] cette déclaration est valable jusqu'à nouvel ordre de ma part. (dater et signer). On se réunit le jeudi 1er novembre 1917 dans la cour de la mairie, d'où l'on partit pour le cimetière. Des places étaient réservées dans le cortège aux parents des soldats morts, aux soldats présents au Vésinet, aux enfants des écoles, aux délégations des sociétés. La liste des morts, qui ne cessait de s'allonger, comptait déjà plus de 150 noms. Démobilisé en septembre 1917, Emile Chartier, professeur de philosophie et écrivain sous le pseudonyme de Alain, achetait une petite maison au Vésinet non loin de la gare et du train qu'il prenait chaque jour pour rejoindre le Lycée Henri IV... Le 11 novembre 1918, c'est enfin l'Armistice. Le 18, le maire s'adresse solennellement à tous les habitants: Cette semaine, les soldats de la France retournent dans
les villes françaises de Metz et de Strasbourg délivrées. Pour leurs
peines et leurs travaux, pour leurs longs efforts surhumains, quelle
récompense et quelle gloire ! A leur retour prochain, nous tous,
leurs compatriotes du Vésinet, nous saurons leur prouver avec enthousiasme
notre reconnaissance et notre affection. Mais sans plus attendre,
allons annoncer à nos grands soldats morts la victoire, – leur victoire
! Le Conseil municipal, réuni en séance, le dimanche 17 novembre 1918, décida de dédier les principales voies du Vésinet aux " nations sœurs, aux soldats de la République, aux maréchaux Joffre et Foch, à Georges Clemenceau qui renouvela l'énergie de la nation" . Les années folles(1920-1940) La guerre elle-même n'avait point
produit d‘extrêmes désordres au Vésinet. Et les années qui suivirent
immédiatement 1918 ne furent pas, pour ses habitants, plus douloureuses
que pour ceux des autres communes de France. " Les habitants de cet immense jardin, n'avaient cherché que leur tranquillité, ne s'étaient jamais soucié de faire connaître tout ce qui constitue le Vésinet actuel. Devant, les offres qui se multipliaient se présentèrent, à peu près seuls, soit des bâtisseurs d'immeubles à étages, soit des lotisseurs étrangers à la commune qui, sauf de rares exceptions, se souciaient peu de la beauté de ce petit territoire. Rien ne vint arrêter le désastre commençant. Une municipalité insuffisamment clairvoyante, ralliée trop facilement à la thèse de l'avenir inéluctable, toujours disposée, par surcroît, à compter les voix de ses électeurs, peu soucieuse de les éclairer sur leurs véritables intérêts, donna sans réflexion les autorisations de bâtir. On ne chercha pas à tirer parti de tout ce que pouvait offrir le Cahier des Charges, et encore bien moins à le parfaire par l'application des lois qui déjà cependant prouvaient que des voix inquiètes se faisaient entendre au Parlement. Ainsi s'exprimait J. Schiffer, qui sera un des artisans du " sauvetage" du Vésinet. Avec 1930 arrivera la crise économique qui arrêtera à peu près toutes les opérations immobilières, petite conséquence heureuse d'un grand malheur. Le 2 avril 1921, une Convention fut signée entre
la Société des Terrains & Eaux du Vésinet, Société en commandite
par actions, sous le nom de D'Anterroches & Cie (anciennement
Pallu & Cie) ayant son bureau d'exploitation, 59, rue Maurice-Berteaux,
et le Syndicat des Propriétaires du Vésinet, association constituée
le 22 avril 1920, représenté par Messieurs Léon Ozouf, président
du Syndicat, et Alfred Chollet, trésorier. La guerre avait profondément
modifié les conditions économiques existant en 1863, époque de
la création de la Société des Eaux et de la rédaction du Cahier
des Charges. Et depuis, les compteurs à eau étaient devenus le
mode le plus général de distribution. Aussi les parties convenaient
d'un commun accord d'une révision des conditions du " Service des Eaux privées" et du " Service des Eaux publiques" (l'entretien
et l'approvisionnement des Lacs et rivières). Le 10 janvier 1922 paraissait la publication au Journal Officiel de la création d'une nouvelle association : l'Union Sportive du Vésinet. Le nouveau club naissait de la fusion de deux formations plus anciennes, la Margarita, créée avant la Grande Guerre, sorte de patronage où on pratiquait le sport et la musique, et l'Association Amicale des Anciens Élèves de la Ville qui s'occupait de son côté d'activités sportives. Ces deux sociétés continuèrent de fonctionner pendant la guerre. A la fin de celle-ci la Margarita disparût et devint l'Association Sportive du Vésinet avant de fusionner avec l'Amicale. L'U.S.V. était née. Le Vésinet Ibis Tennis Club fut fondé à la même époque en 1925. En 1923, la Ligne Paris-St Germain fut équipée – première en France – d'un nouveau système d'espacement des trains qui devait autoriser la circulation des rames à deux minutes d'intervalle. C'était le " block automatique lumineux" . L'entreprise chargée de cette mise en place était la Compagnie des Signaux. Créée en 1903 par Francis Cumont, un pionnier de la signalisation électrique pour les chemins de fer et le métropolitain, la société devint la référence majeure dans les domaines mécaniques, électriques puis électromécaniques. En 1934, elle deviendra la C.S.E.E. ou Compagnie de Signaux et d'Entreprises Electriques. Les cartes postales anciennes conservent le souvenir de la maison de repos que la Compagnie avait installée au Vésinet à la même époque. Le 19 octobre 1924, un dimanche gris et froid, est jugée au Vésinet l'arrivée d'une épreuve de 100 km de marche de fond. Le vainqueur, Emile Anthoine, en est aussi l'organisateur. Il milite pour le retour de la marche parmi les sports olympiques et souhaite voir instaurer des courses longues de 50 à 100 km. Il a lui même établi le record du monde de la discipline sur 100km en 10h15' en 1902. Au printemps 1925, la commune du Vésinet célèbre son cinquantième anniversaire. Une brochure sortie des presses de l'imprimerie Ch. Brande au Vésinet, parait et présente à la population une brève histoire du territoire. Une vraie découverte pour les nombreux nouveaux arrivants. La population qui s'accroit de 50% entre 1911 et 1926, compte près de 9500 habitants. La ville, le syndicat des propriétaires, le Syndicat d'Initiative s'appliquent à relancer la location des villégiatures mais celle-ci est passée de mode. A la mi-mars 1926, tous les journaux de la région annonçaient la mort du « Père Paul ». Qui était donc cette figure légendaire de la commune du Pecq, modeste voiturier, à 75 ans, du Pavillon Henri IV à St Germain ? Sa longue barbe grise et frisée, sa poitrine couverte de médailles, photographiée et reproduite en cartes postales lui ont assuré une postérité inattendue. En 1927, Le Vésinet vit réapparaître sous ses frondaisons un animal qui l'avait déserté depuis longtemps : un cerf en fonte de fer, cadeau du Dr Raffegeau. On dit que ce don avait pour but d'occuper l'espace vide du Rond-Point Royal et d'y empêcher l'installation du kiosque Hériot. A la fin des années 1920, la ville du Vésinet, propriétaire de l'Ile des Ibis, avait voulu remplacer la passerelle donnant accès (sud-est) à l'Ile par un pont pour permettre à la clientèle de la nouvelle Hostellerie d'y accéder en automobile. Le pont fut réalisé en juillet 1930 selon un procédé très original, en béton et acier, dû à MM. Mesnager et Veyrier. Malgré l'accueil mitigé de ce nouveau monument jugé trop massif, trop minéral dans ce paysage encore campagnard, ce pont devint très vite un des monuments emblématiques de ce nouveau Vésinet, celui des fêtes mondaines, des vedettes de cinéma et de music-hall, des voitures de sport... Le 13 juillet 1930, fut inaugurée la Maison du Combattant érigée grâce à une souscription de la section du Vésinet de l'Union Nationale des Mutilés Réformés. Grâce à quelques bienfaiteurs, et sur les plans de l'architecte R. Lord, le bâtiment fut construit, sur un terrain appartenant à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, au 11, rue du Général-Clavery. Avec la paix, le caractère du Vésinet
avait changé. Alors que jusque là, la plupart des villas étaient
inhabitées l'hiver, la crise du logement, qui sévissait déjà, incita
nombre de gens à se fixer au Vésinet toute l'année et le mouvement
ne cessera de progresser. L'image de la villégiature s'estompa
au profit d'un village que nous connaissons au travers des témoignages de
nos parents et grands parents. Mais l'afflux de ces nouveaux habitants
attira aussi les lotisseurs. Ils spéculèrent sur le morcellement
des propriétés, bâtirent à tort et à travers, sans souci de ménager
la beauté et l'originalité du site. Le 3 juillet 1935, vers midi, Le Vésinet fut secoué par une explosion extrêmement violente qui souffla une villa. L'événement fit la une des journaux. Il fallut l'intervention de l'armée pour les premiers travaux de déblaiement. Accident ou attentat? Cette affaire intriguait. Mis en cause par la presse au lendemain de l'événement, un habitant du Vésinet, Monsieur Rosen, fit imprimer et distribuer un tract pour se justifier. L'affaire se résuma finalement à une tragique tentative d'escroquerie à l'assurance dont l'instigatrice périt dans l'explosion. En juillet 1936, le gros lot de 3 millions de frs de la Loterie Nationale est gagné par plusieurs garçons de café du Vésinet... A la même époque, fortune faite grâce
au tout nouveau cinéma parlant, au disque, au music-hall, des " vedettes" du spectacle, comme on les dénommait alors, Jan Kiepura et Martha
Eggerth, Suzy Prim, Max
Dearly, Jeanne
Aubert, Carette, élirent domicile au Vésinet, contribuant à en faire un endroit à la
mode. Une autre tradition s'était instaurée
durant les années folles, la fête des Pages & Charmettes de
la Commune libre du Petit Montesson. Tirant son nom du Hameau
du Petit Montesson qui figurait sur les plans
du lotissement de MM. Pallu & Cie, centré sur le carrefour
Route de Montesson - Avenue des Pages, c'est un quartier à vocation
commerçante, plus populaire qui s'est beaucoup développé après
la guerre avec le " Lotissement des Charmettes" destiné à écouler
les nombreuses parcelles invendues dans le nord-est de la commune. De la « drôle de guerre » à la Libération Car voici de nouveau la guerre. Durant la retraite de l'Armée française, au mois de mai et juin 1940, les ponts du Pecq, de Bougival et de Chatou furent minés et partiellement détruits, rendant les déplacements et l'approvisionnement très difficiles. Le journal Le Matin du 10 décembre 1940 consacre en première page un article dont la plus grande partie est un interview d'Emile Thiébaut, maire du Vésinet, témoignant des difficultés de ses administrés à l'approche de l'hiver. Une Kommandantur provisoire avait été installée à Chatou, 20 avenue des Tilleuls dès juin 1940. En novembre elle fut déménagée au 18-20 boulevard des Etats-Unis, au Vésinet, dans l'ancienne demeure de Jean Valéry Moncharville, qui avait exercé entre le 9 juillet et le 15 août 1875 les fonctions de maire provisoire. Cette villa de style XVIIIe, entourée d'un parc de près d'un hectare, était alors une des plus vastes de la commune. Pendant l'occupation, Le Vésinet, même si son territoire ou ses équipements publics et privés ne constituent pas en eux-mêmes des cibles particulières, n'est pas épargné par les bombardements. Trois restent dans les mémoires. Le premier par l'aviation allemande le 3 juin 1940, les deux suivants par les Alliés, anglais le 3 mars 1942 et américains le 1er juin 1944. Le Vésinet
abrite un Centre d'écoute de la Marine allemande (installé dans
l'Hôtel des Ibis et peut-être visé) et compte quelques victimes Des épreuves tragiques
atteignent la population et les plaques de marbre placées dans la
cour de la Mairie évoquent le souvenir des 47 " morts
au Champ d'Honneur" et des 44 déportés politiques ou raciaux
exterminés dans les camps nazis. Durant l'été 1944, quelques semaines avant la libération, l'Asile avait reçu pour quelques jours le maréchal allemand Erwin Rommel. Grièvement blessé en Normandie, le 17 juillet, il fut aussitôt transporté à l'Hôpital militaire de Bernay dans l'Eure où il reçut les premiers soins. Dès que possible, il fut ensuite éloigné du front. Il arriva au Vésinet, au Leichtkranken-Kriegslazarett-Abteilung 680, le 24 juillet. Là, il reçut la visite de plusieurs officiers généraux allemands qui lui rendirent compte de l'attentat manqué contre Hitler, le 20 juillet. Rommel devait ensuite être rapatrié en Allemagne le 8 Août. Libéré le 26 août 1944, Le Vésinet vit s'installer jusqu'en 1946 certains grands services américains. Il accueillit durant quelques semaines, en toute discretion, un groupe de savants allemands spécialistes en physique nucléaire, qui ne devaient pas « tomber en de mauvaises mains » soviétiques par exemple. Ils séjournèrent à la Villa Argentina, allée du Lac Inférieur, du 11 mai au 4 juin 1945, avant de gagner la Belgique puis la Grande Bretagne. En octobre 1944, le conseil municipal présidé par un nouveau maire, lui aussi nommé par une autorité suppérieure, décidait de changer le nom d'une rue, pourtant privée donc hors de sa compétence. L'avenue du Maréchal Pétain devenait avenue du Général Leclerc. Puis, notre Village retrouva
son calme et son charme de jadis, son climat agréable, son sol
parfaitement dénué d'humidité, l'ombre de ses grands arbres, ses
coulées de verdure, ses lacs poissonneux, et par dessus tout, cette
tranquillité et cette quiétude qu'il est si doux de retrouver,
le soir, après les fatigues et le bruit de la grande ville. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu'à la fin des années soixante, lentement mais inexorablement, le nombre d'habitants croit, augmentant insensiblement la densité. Au recensement de 1954, les Vésigondins sont 15.665, ce qui se traduit, entre autres, par des déplacements plus nombreux. En 1957, la ligne de chemin de fer enregistre plus de 1.500.000 voyageurs. De nouveaux établissements scolaires s'avèrent nécessaires. Après la création du Groupe Scolaire Pallu en 1949, MM. Dominique Denis et Menuel, architectes, édifient en 1956 l'école maternelle des Charmettes, puis les Groupes Princesse (1957-58) et des Merlettes (1959-60), ce dernier doté d'un gymnase et dont la cour, depuis 1966, est ornée d'une statue : Pénélope œuvre de Mühlethaler. La vie de la cité se déroule paisiblement dans cet « Oasis de verdure et d'air pur » que vante depuis les années cinquante la flamme postale du Vésinet. En 1966, un concours du Syndicat d'Initiative est à l'origine d'une nouvelle flamme illustrée, soumise avec succès à l'administration des P.T.T. et utilisée par la Poste du Vésinet à partir de 1967.
Un curieux personnage meurt au Vésinet en 1962. Henri Bourillon pour l'état civil, il a été successivement cuisinier, employé de chemin de fer, puis après un passage aux Arts et Métiers, ingénieur. Parallèlement, sous le nom de Pierre Hamp, il a poursuivi une carrière de romancier réaliste. A la gloire du travail, il avait composé, sous le titre général de La Peine des hommes, une quarantaine d'ouvrages sur la condition ouvrière. La même année 1962, la municipalité conduite par Marc Ferlet célèbre le centenaire des travaux de Pallu en élevant au fondateur de la ville un monument situé devant la nouvelle Poste, boulevard Carnot (œuvre de Georges Labro, architecte, et de Félix Joffre, sculpteur). A la demande de Fred Robida, le monument sera, quelques années plus tard, complété par une inscription en l'honneur du comte de Choulot. L'ancien asile impérial a pris en 1949 le nom d'Établissement national des convalescentes, mais l'ancienne dénomination d'asile reste en usage chez les autochtones, source de confusion pour les non-initiés. Ainsi, le directeur ayant fait installer en travers de ses allées des cassis pour limiter la vitesse des voitures de livraison, fut qualifié d'aussi fou que ses pensionnaires. En fait, il reçoit désormais des mères célibataires – on dit encore des filles-mères – dont on prépare la réinsertion. Le vaste parc boisé qui l'entoure est peu à peu envahi par des constructions. L'Etat propriétaire y installe plusieurs services techniques, administratifs et scientifiques de 1959 à 1970. Une brillante fête vénitienne est organisée en 1961 à l'île des Ibis par Mme Victor Moritz [industriel alsacien, propriétaire du groupe Tréca] au bénéfice de la Croix-Rouge. Dans le même temps, cette île fait peau neuve : illumination des arbres, jets d'eau et nombreux volatiles, en cage ou en liberté qui viennent tenir compagnie aux hérons, aux canards et aux cygnes, dans l'espoir de retrouver la magie du lieu où, entre les deux guerres les Grands Cercles venaient faire la fête. Les mentions de « Zoo » ou de « parc zoologique » qui figurent sur les cartes routières de l'époque sont toutefois très exagérées. Autres spectacles, les feuilletons télévisés qui trouvent au Vésinet des décors naturels et enchanteurs. Ainsi Belphégor, favori des téléspectateurs en 1965, dont quelques scènes se déroulent au bord du lac de Croissy et dans une belle maison, au 28bis avenue Georges-Clemenceau, due à l'architecte Louis Gilbert. Mais la banlieue parisienne se transforme à un rythme toujours plus rapide. Déjà, dans les années qui ont suivi la guerre, de grandes propriétés, devenues une charge trop lourde, se sont morcelées, bâties de pavillons plus ou moins heureux – parmi lesquels, tout de même, d'intéressants exemples d'architecture contemporaine – accompagnés de jardins toujours plus réduits, relevant plus de la notion de « cité-jardins » que de la forêt habitée de Choulot. Des immeubles collectifs sont apparus, mais restaient l'exception. Or, dès 1956-57, ils se multiplient, élevant leurs cinq ou six étages au-delà de la cime des arbres. La municipalité veille tant bien que mal à l'application du Cahier des charges de 1863 et du Règlement d'urbanisme de 1937, mais ces derniers n'ont pas tout prévu et se laissent parfois tourner. Des Vésigondins de plus en plus nombreux se demandent si leurs lacs et leurs pelouses résisteront longtemps à cette frénésie de constructions. Le béton, autrefois symbole de nouveauté et de progrès, illustrés au Vésinet par l'église Ste Marguerite, devient le matériau honni et le bétonnage, le fléau absolu. Le Syndicat d'Initiative, à l'origine du Classement partiel du site en 1934 et de l'inscription à l'inventaire supplémentaire de toute la partie des lacs et rivières restant la propriété de la S.L.E.E., avait pris dès 1951 le nom de Syndicat d'Initiative et de Défense. Les menaces se précisant à l'occasion de la préparation d'un nouveau règlement d'Urbanisme, une « association pour la sauvegarde du Vésinet » ou, plus simplement, La Sauvegarde, est créée en 1962, qui se donne pour but de lutter « contre toutes constructions abusives et d'étudier les moyens de les empêcher à l'avenir ». L'association montre sa force et sa détermination en faisant annuler, en 1963, un permis de construire inopportun délivré rue du Maréchal Joffre. Pendant ce temps, les limites administratives se sont modifiées. En 1963, Le Vésinet a été inclus dans l'arrondissement nouvellement créé de Saint-Germain-en-Laye. L'année suivante, en 1964, la Seine-et-Oise a été divisée en trois nouveaux départements : L'Essonne (91) au sud-est, Le Val d'Oise (95) au nord et les Yvelines à l'ouest, ce dernier conservant son chef-lieu de Versailles et son numéro 78. La nouvelle équipe municipale se trouve devant une double tâche, contradictoire en apparence : sauvegarder d'une part l'œuvre de Pallu, le caractère unique de cette ville-parc et, d'autre part, la doter des équipements collectifs adaptés. La préservation de l'environnement (notion très novatrice à l'époque) est à rechercher sur le double plan de la protection des sites et de la réglementation d'urbanisme. Les deux voies seront explorées et utilisées avec succès. En 1966, Le Vésinet résonne d'un drame auquel la grande presse fait longuement écho. Le populaire acteur de cinéma Julien Carette, Vésigondin depuis vingt-cinq ans et maintenant paralysé, s'est endormi en fumant dans un fauteuil et sa cigarette a communiqué le feu à ses vêtements. Grièvement brûlé, l'acteur meurt quelques heures plus tard, le 2 août, à l'Hôpital de Saint-Germain Le Vésinet, est en 1967 érigé en chef-lieu d'un canton comprenant les deux communes du Vésinet et de Montesson. Le premier conseiller général de cette nouvelle circonscription sera Alain Jonemann, régulièrement réélu ensuite. Le Vésinet compte alors 18 459 habitants selon les recensements, beaucoup plus selon les « estimations municipales » régulièrement publiées mais jamais entérinées dans les statistiques officielles. Commune « verte » et entendant le rester, Le Vésinet est toujours en 1971 un territoire « agricole » on peut encore y recenser, sur quatre hectares, neuf exploitations de cultures, essentiellement florales, dont les productions (œillets, hortensias, cyclamens) sont appréciées sur le Marché-aux-fleurs. Durant des années, une exposition florale se tenait fin octobre dans l'ancienne salle des fêtes, à laquelle participaient 250 exposants, horticulteurs, jardiniers, avec le concours du jardin-école sous la direction de l'instituteur Dubray, qui a laissé le souvenir d'un maître hors du commun. Il y a aussi cinq fermes au Vésinet, totalisant huit vaches laitières, où l'on vient chercher le lait après la traite du soir. La dernière, celle de la rue Alphonse-Pallu, à cent mètres de la place de l'Eglise, disparaîtra en 1974. Comme en bien d'autres endroits d'Ile-de-France, les efforts d'aménagement de la commune et ses intérêts se trouvent parfois en contradiction avec ceux définis par les pouvoirs publics pour l'agglomération parisienne tout entière. L'année 1968, en ce domaine, connaît une grosse alerte : la prise en considération, par le District de la Région parisienne, d'un projet de rocade urbaine nord-sud, reliant Montesson au pont de Bougival, en empruntant le boulevard des États-Unis et le pont de Croissy, qu'il aurait fallu tous deux élargir. C'est pour Le Vésinet une menace de mutilation définitive, contre laquelle la quasi-totalité de la population se ligue et qui sera combattue avec vigueur et finalement avec succès, par la municipalité soutenue par les Associations. Une réunion publique organisée à ce sujet le 15 mars 1968 rassemblera plus de mille personnes, du jamais vu au Vésinet. En matière d'urbanisme, d'ailleurs, tout est à refaire dès 1971 puisqu'une nouvelle loi foncière parue cette année-là édicte que les plans d'urbanisme en vigueur seront caducs le 1er janvier 1975 et devront être remplacés d'ici là par un nouveau document, le Plan d'occupation des sols (POS). Il faut recommencer ce travail de Sisyphe, mais cette fois bien facilité il suffit de reprendre suivant une présentation différente les dispositions essentielles du règlement, en lui apportant les quelques corrections suggérées par l'expérience. Les nouvelles constructions collectives prévues devront s'inscrire dans ce nouveau plan-masse. Le besoin d'équipements collectifs se fait sentir, conséquence de l'accroissement de la population autant que de l'évolution des modes de vie et de l'enrichissement continu du pays depuis la fin de la Guerre. Sur la ville, mai 1968 passe sans apporter autre chose qu'un épisode burlesque rapporté par Georges Poisson. Depuis quelques années, le célèbre chanteur Luis Mariano s'était installé au 86, boulevard Carnot, dans une grande propriété, composée d'une élégante villa de style Restauration, avec avant-corps à fronton côté cour et péristyle toscan sur jardin, entourée d'un parc que, au mépris du cahier des charges, il avait entouré de grandes grilles couvertes de tôles impénétrables au regard, qu'aucune autorité ne put lui faire modifier. Derrière ce rempart, il n'avait pas hésité à faire abattre de nombreux arbres pour creuser une piscine... Aux journées chaudes du printemps 1968, un groupe d'étudiants de la Sorbonne vient demander au chanteur de les aider. Il refuse de leur donner de l'argent, mais promet de leur acheter des vivres. Avec son secrétaire, il va remplir sa voiture de jambons, de saucissons, de boîtes de conserves que les « contestataires » doivent revenir chercher le lendemain. On ne les reverra jamais et le chanteur sera, plusieurs semaines durant, condamné à manger du jambon, au grand dam de sa ligne et de ses admiratrices. Le Vésinet, est jumelé en 1972 avec une cité américaine, Oakwood, petite ville de la banlieue de Dayton (Ohio) puis avec Outremont, banlieue de Montréal (1975), Unterhaching, aux environs de Munich (1978). Plus tard viendront Worcester, en Angleterre (1994), Villanueva de la Cañada, en Espagne (2006). Il faut ajouter un " pacte d'amitié" en 1988 avec Hunter's Hill, en Australie. Notre Ville-parc a toujours des résidents illustres : Le sociologue Jean Cazeneuve, membre de l'Institut, ancien président de TF1 François Ceyrac, ancien président du Patronat français, l'organiste André Fleury. L'historien Alain Decaux y vécut vingt ans au 7, rue Henri-Cloppet et y écrivit une grande partie de son œuvre. Il y demeurait encore lorsqu'il fut élu à l'Académie française. Le journaliste Philippe Bouvard habitera durant trente ans au 82, route de Montesson, une propriété léguée par le bâtonnier Allard à l'Institut de France, qui l'avait revendue par la suite. L'industriel Claude Marchal y rassembla ses collections d'instruments de musique mécanique... Le Vésinet compta également parmi ses propriétaires, célèbre mais non-résident, Jacques Chirac qui posséda pendant quelque temps une petite maison reçue en héritage, au 64bis avenue des Pages. Il a cependant affirmé ne l'avoir jamais vue. Côté cinéma, avec les nouvelles méthodes de tournage en extérieurs, le cadre boisé du Vésinet et ses maisons pittoresques devaient attirer les metteurs en scène. On citera ici L'homme à l'imperméable de Julien Duvivier (1957), La nuit des généraux d'Anatole Litvak (1966), La diagonale du fou de Richard Dembo (1983), Tenue de soirée de Bertrand Blier (1986), L'Orchestre rouge de Jacques Rouffio (1989). Et aussi, après Belphégor, d'innombrables séries télévisées, Navarro, Commissaire Moulin, Les Cordier juge et flic, etc. On s'efforce d'en dresser l'inventaire. En 1975, la commune célèbre solennellement le centenaire de sa naissance. Les 21 et 22 juin, de grandes fêtes se déroulent avec, le premier jour sur la pelouse des Ibis, un spectacle sonore, lumineux et artificier, sur un texte écrit par Alain Decaux. Le lendemain, la messe de Saint-Hubert, au son des trompes de chasse, précède la parade de la Garde républicaine, présentant avec son brio habituel la Maison du Roi. Hélas, la pluie est aussi de la partie... La volonté intangible de préserver le site, est réaffirmée en 1977 par l'établissement du Plan d'occupation des sols (POS), définitivement adopté en 1979, et soutenue par l'État qui, en 1984, classe comme sites, à l'instar du Lac des Ibis, les quatre autres lacs, les rivières et les pelouses avoisinantes. Des édifices, l'église Sainte Marguerite (1978), la Villa Berthe (1979), le Palais rose (1986) obtiennent dans la même période leur inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, bénéficiant d'un large périmètre de protection. L'ancien Asile Impérial et une partie de son parc (1997) puis une maison particulière, Wood Cottage (1993) seront inscrits un peu plus tard. En 2000, Wood Cottage deviendra le premier " monument historique" du Vésinet. En 2016, l'église Ste Marguerite sera à son tour classée " monument historique" . En 1980, l'inesthétique bassin du carrefour Cloppet – Fontaine – Villebois-Mareuil est remplacé par une jolie fontaine italienne, peut-être du XVIIe siècle, à deux vasques de marbre séparées par un groupe de dauphins et surmontée d'une sirène. En janvier 1982, Radio-Boucle, radio locale associative née de la loi dite de dérogation au monopole d'Etat de la radiodiffusion, votée le 9 novembre 1981, voit le jour, installée au Centre des Arts et Loisirs du Vésinet, le CAL. Elle émettra sur la bande FM jusqu'à la fin décembre 1983, avant de fusionner avec sa consœur Radio-St-Germain, pour devenir Ouest-FM. En octobre 1985 s'ouvre à la bibliothèque, un embryon de musée d'histoire locale destiné à rappeler à ses visiteurs que le passé du Vésinet remonte à beaucoup plus de cent ans et que deux mille ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour les âges nouveaux [*]. Quelques mois plus tôt, était née la Société d'Histoire du Vésinet. _________ [*] Emprunté à Charles Péguy par Georges Poisson dans La Curieuse Histoire du Vésinet (1998, 3e édition) dont le chapitre Il y a toujours des arbres, a servi de trame à cette chronique des Trente Glorieuses.
© Société d'Histoire du Vésinet, 2002-2024 • histoire-vesinet.org
|